Corpus Musique, hymnes et politique
Document 1 : Lydie Salvayre, Hymne, éditions du Seuil, 2011.
Document 2 : « Le scandale de "La Marseillaise" de Serge Gainsbourg », par Mathieu Dejean, Les Inrockuptibles,15 octobre 2015
Document 3 : La Marseillaise de Serge Gainsbourg, Didier Francfort, Presses de Sciences Po | « Vingtième Siècle. Revue d'histoire », 2007.
Document 4 : Photographie du 2 octobre 2016, à Santa Clara (Californie) de Thearon W. Henderson, AFP.
Ecriture personnelle : Selon vous, la musique peut-elle être un moyen de révolte ?
DOCUMENT 1 Lydie Salvayre, Hymne, éditions du Seuil, 2011.
A partir du concert de Woodstock où Jimi Hendrix repris l'hymne américain devant une foule qui n'avait pas dormi depuis trois jours, Lydie Salvayre revisite la légende d'un musicien génial.
On dit qu'il était timide. Qu'il avait le charme efféminé des timides. Leur douceur. On dit qu'il approuvait courtoisement les conneries qu'on lui expliquait plutôt que d'en débattre. Qu'il était incapable de dire non. Qu'il était incapable de soutenir un regard hostile. Que lorsqu'il parlait il mettait la main devant sa bouche, comme pour s'excuser de l'ouvrir. On dit qu'il l'ouvrait peu. Que sa réserve était son inclination naturelle, et sa morale. On dit qu'il ne savait pas déchiffrer la musique. Qu'il était infoutu d'écrire et même de nommer les formes musicales inouïes qu'il inventait. Que le sentiment de cette incapacité aggravait considérablement sa timidité naturelle. Que lorsqu'il se vit contraint d'avouer à Miles Davis (lequel lui avait transmis une de ses compositions en signe d'amitié), lorsqu'il se vit contraint de lui avouer qu'il ne savait pas déchiffrer sa musique, il eut envie d'entrer sous terre. Et d'y rester. On dit que le jour où il apprit l'assassinat de Martin Luther King (il se trouvait dans un bar fréquenté par les Blancs), il garda un silence mortel lorsqu'un type gueula Bon débarras ! Que son visage resta de marbre lorsqu'un autre se mit à rugir C'est une bonne leçon pour les nègres ! Qu'il versa très lentement le sucre dans son café lorsque le barman, avec une affreuse expression de joie sur la figure, commenta Bien fait, le bamboula l'a bien cherché ! Qu'il fit tourner très lentement sa cuillère dans la tasse (sa main tremblait-elle un peu ?) lorsque ce dernier, pour faire bonne mesure, vociféra On va quand même pas se laisser chier sur la tête par des macaques ! Qu'il avala très lentement s boisson malgré les bonds que faisait son coeur, serré comme le poing, jusqu'à sa bouche. Qu'il refoula au fond de lui une colère vieille de plusieurs siècles, une colère héritée d'un peuple qui avait appris, pour sauver ses billes, à ne pas parler inconsidérément. Mais que le lendemain de ce drame, le 5 avril 1968, à Newark, sur la scène du Symphony Hall, il rendit un hommage inoubliable à l'homme assassiné, et fit jaillir en beauté sauvage la douleur concentrée, immobile et muette qu'il avait, la veille, au prix d'un effort inhumain, contenue. On dit qu'il ne s'aimait pas. Que sa timidité incurable venait de ce qu'il ne s'aimait pas. Qu'il n'avait aucune assurance aucune. Qu'il demandait souvent à ses proches Est-ce qu'on me prend pour un pitre ? Est-ce que je ne suis pas ridicule avec ce chapeau ? On dit qu'il ne sortait de sa timidité que pour être, sur scène, l'audace même. Il fut, le 18 août 1969, l'audace même. Il fit ceci : il s'empara de l'Hymne et il le retourna. Il eut ce front. Il prit ce risque. L'hymne entonné en prélude aux allocutions du président Nixon, l'hymne qui résonnait lors des célébrations de tueries héroïques, l'hymne intouchable, l'hymne immuable, l'hymne de la superpuissance blanche classée n° 1 au hit-parade des pays producteurs de bombes : au napalm, au phosphore, à la dioxine, au graphite, tritonales, à fragmentation, à guidage laser, à sous-munitions, il y en avait pour tous les goûts, l'hymne d'amour de la patrie, car amour et patrie sont deux mots qui parfaitement s'accolent (j'ai à l'esprit un autre verbe que je n'ose pas écrire), l'hymne des braves boys qui savaient opposer leur mâle résistance à la propagation communiste avec l'aide miséricordieuse de Dieu et suivant la méthode imparable du search and destroy encore appelée civilisatrice, cet hymne-là, il s'en saisit et il le renversa.
Document 2 « Le scandale de "La Marseillaise" de Serge Gainsbourg », par Mathieu Dejean, Les Inrockuptibles, 15 octobre 2015
L’éditeur musical Laurent Balandras a exhumé des archives personnelles de Serge Gainsbourg un dossier qui témoigne de la violence du scandale suscité par sa « Marseillaise » version reggae. Il en fait l’anatomie dans son nouveau livre. Entretien.
On a tous en tête les images de Serge Gainsbourg le poing levé, entonnant La Marseillaise a capella face au public médusé du Hall Rhénus, à Strasbourg, le 4 janvier 1980, alors qu’entre 60 et 200 paras s’étaient déployés pour en découdre avec "l’usurpateur" de l’hymne national. Quelques mois plus tôt, le 13 mars 1979, sortait l’objet du délit, Aux armes et cætera, un album avec lequel il rencontra un énorme succès, enregistré en douze jours à Kingston. Interrogé par Gérard Holtz le jour-même au JT de 20 heures sur les éventuelles accusations d’antimilitarisme qu’il allait susciter, Gainsbourg répondait avec son sens de la provocation légendaire: "C’est pas des dents que ça fera grincer, c’est des dentiers !" Les dentiers grincent tranquillement, jusqu’à ce que Michel Droit publie dans le Figaro magazine un article où il accuse le chanteur de "provoquer" l’antisémitisme en faisant son beurre sur l’hymne national. S’ensuit une déferlante de haine raciste dont Serge Gainsbourg conserva les stigmates toute sa vie. Preuve du traumatisme, il classa soigneusement les documents liés à la polémique dans un dossier chez lui, au 5, bis rue de Verneuil. L’éditeur musical Laurent Balandras l’a retrouvé, alors qu’il préparait son livre sur les Manuscrits de Serge Gainsbourg (éd. Textuel, 2006). Dans La Marseillaise de Serge Gainsbourg, anatomie d’un scandale, un livre enrichi de fac-similés d’archives, il donne tous les éléments pour comprendre la portée de cet événement. Au point de départ de ton nouveau livre, il y a un dossier sobrement intitulé "La Marseillaise", que tu as retrouvé au 5, bis, rue de Verneuil pendant la préparation des Manuscrits de Serge Gainsbourg… Laurent Balandras - Exactement. Il y a dix ans, Charlotte [Gainsbourg, ndlr] m’a ouvert les portes du 5, bis rue de Verneuil pour aller rechercher les manuscrits de Gainsbourg. Au départ elle pensait que je ne trouverais rien. En fait Gainsbourg était quelqu’un qui ne gardait rien, mais qui ne jetait rien non plus. Rien n’était rangé, rien n’était classé, tout était dans un fouillis artistique, sauf cette pochette intitulée "La Marseillaise", où tout était classé : articles de journaux, lettres, documents… Dans l’anatomie du scandale de La Marseillaise, tu expliques que l’annulation du concert de Gainsbourg par les paras le 4 janvier 1980 n’est que l’aboutissement d’un article incendiaire publié par Michel Droit en juin 1979 : quel était son propos ? Il est important de préciser qu’à cette époque, Gainsbourg est un personnage notoire mais sans plus. Il fait partie du paysage audiovisuel, mais la vedette, dans la famille Gainsbourg, c'est Jane Birkin. Serge Gainsbourg est omniprésent mais il n’a pas de succès public. Quand il va enregistrer Aux armes et cætera, il a un budget de misère, tout juste de quoi couvrir douze jours de studio en Jamaïque. Mais l’album cartonne direct, pendant tout le printemps, et il sait qu’il va vers le disque d’or, ce qui ne lui était jamais arrivé. Le succès génère deux choses : au départ, tout le monde applaudit, puis tout le monde se lâche. En l’occurrence c'est arrivé assez vite : le 1er juin 1979, Michel Droit écrit un article qui met le feu aux poudres. Il accuse Gainsbourg d'outrager La Marseillaise, de se faire du pognon dessus, et de provoquer l’antisémitisme. De la part d’un ancien résistant, qui a connu l’Occupation, qui a été proche de De Gaulle, c’est incompréhensible. Relier un chanteur à sa judéité supposée, et au fait qu’il gagne de l’argent, c’est la caricature antisémite de base.
Document 3 « La Marseillaise de Serge Gainsbourg », Didier Francfort, Presses de Sciences Po « Vingtième Siècle. Revue d'histoire », 2007.
[…] Toutes les transformations d’un hymne national ne relèvent pas nécessairement de la provocation. Dans sa monumentale histoire de La Marseillaise, Frédéric Robert a rassemblé de nombreuses citations et transformations qu’a connues l’hymne de Rouget de Lisle. Tchaïkovski en a fait, dans sa fameuse Ouverture 1812, une musique belliqueuse symbolisant l’arrogance française qui menaçait, avec les armées napoléoniennes, la paisible Russie. Valéry Giscard d’Estaing a cherché, lors de son septennat, à rompre avec cette image agressive de l’hymne national français et à revenir à des versions originales, moins belliqueuses et plus lentes. Il est vrai que le rythme de l’hymne français est devenu, avec celui de l’hymne italien Fratelli d’Italia, plus alerte encore, ou avec l’hymne polonais, une exception dans une Europe où dominent les hymnes d’allure religieuse, lente, solennelle allant jusqu’à l’infinie tristesse et l’émotion de l’hymne hongrois de Ferenc Erkel (1810-1893). Le président Valéry Giscard d’Estaing avait fait ralentir La Marseillaise pour la rendre plus pacifique et, d’une certaine façon, plus européenne. L’initiative fut jugée pour le moins diversement. Au lendemain de la première audition de cette version, à l’occasion du 11 novembre 1974, les réactions hostiles fusèrent. C’est dans ce contexte que doit être replacée la version reggae de Gainsbourg mais aussi, peut-être, dans le temps plus long d’une érosion, qu’elle soit décriée, combattue ou justifiée, du caractère sacré des hymnes et des symboles. En octobre 2001, La Marseillaise fut sifflée au stade de Saint-Denis, ce qui provoqua la colère et le départ du président Jacques Chirac. Cet incident serait-il une autre étape dans cette même évolution ? Elle fut aussi combattue par Jean-Pierre Chevènement qui, lors de son passage au ministère de l’Éducation nationale, voulut réintroduire l’hymne national dans les écoles, disposition reprise en 2005 pour les écoles primaires. Gainsbourg est-il véritablement du côté de l’outrage ou, au contraire, son adaptation est-elle une forme d’hommage, sans doute paradoxal, à l’hymne national ?
Contexte politique, contexte musical.
L’anatomie du scandale de la version reggae de Gainsbourg renvoie aussi à un contexte politique et culturel de la France des années 1970. La monumentale biographie de Gainsbourg écrite par Gilles Verlant montre bien que Gainsbourg n’a alors pas encore imposé une figure univoque de provocateur, d’ennemi public ou d’homme par qui le scandale arrive. Gainsbarre n’a pas encore vaincu. À bien des égards, Gainsbourg est un artiste caméléon, reflétant les goûts et les idées dominants, capable d’être punk quand ce mouvement de contestation ne fait que naître en France, capable d’être une référence pour diverses générations, capable de prises de positions politiques explicites mais changeantes. Ce « Zelig » de la chanson, comparable au personnage de Woody Allen, n’en est pas à une contradiction près, ni dans sa démarche esthétique ni dans ses positions politiques. Dans l’article nécrologique que Danièle Heymann lui a consacré, celle-ci a bien vu que Gainsbourg « n’a pas cessé de caracoler, gouailleur et ténébreux, sur la crête des vagues musicales ». « Même, poursuit-elle, lorsqu’elles n’étaient pas à son goût, il les a toutes récupérées, annexées, au bon moment, endossant successivement – sans paraître jamais déguisé – les costumes jazzy, pop, yé-yé, rock, afro-cubain, reggae, funky. Intelligence, faculté d’adaptation, compétence musicale, certes. Mais, mieux que cela, plus que tout, adéquation des rythmes du temps collectif à des mots rien qu’à lui.
S’il n’est pas classable dans le groupe des « chanteurs engagés » comme Jean Ferrat ou François Béranger, il est tout à fait capable d’exprimer des idées politiques précises dans ses chansons et des prises de positions publiques.
Document 4 Photographie du 2 octobre 2016, à Santa Clara (Californie) de Thearon W. Henderson, AFP . Le joueur de football américain Colin Kaepernick, un genou à terre durant l’hymne américain en signe de protestation contre les violences policières, le 2 octobre 2016, à Santa Clara (Californie). Thearon W. Henderson/AFP
En 2016, le joueur de football américain Colin Kaepernick mettait le genou à terre pendant l’hymne américain pour dénoncer les violences policières envers les Afro-Américains. Un geste repris depuis.
Analyse des quatre documents :
Document 1 :
→ Le récit commence sur la personnalité du musicien : la douceur et la timidité qui semble un élément essentiel constitutif . → Le musicien dont il est question n'est pas un spécialiste aguerri, il n'a pas de formation musicale classique, contrairement à Miles Davis, un grand jazzman du XXe siècle . → Il a rencontré très tôt et de manière violente le racisme et les propos intolérables dans un bar, au sujet de la mort de Martin Luther King. → Le racisme subi est transcendé sur scène et le musicien parvient à transformer une agression en forme esthétique. → La virtuosité permet de donner une forme singulière à la révolte et la musique. → Il transforme l'hymne américain et transgresse les codes de bienséances des mœurs américaines. → La distorsion des sons évoque la guerre et dénonce l'injustice de la situation des soldats engagés. → La timidité est due au fait qu’Hendrix ne se sente pas légitime car autodidacte. → Hymne comme une révolte, une vengeance (être noir) prend ici commande pour montrer aussi qu’une autre voie possible
Document 2 :
→ Serge Gainsbourg a marqué une génération et l'épisode des parachutistes qui essaient de l'empêcher de jouer à sa version de La Marseillaise, version reggae. → Le scandale de ce qui est au départ un simple fait-divers, a été marquant et retentissant dans la société française, tel point qu'un éditeur de musique y consacre tout un ouvrage . → Dans cet entretien, il relate les étapes principales de ce scandale. → La première étape d'après lui a été une attaque d'un journaliste proche du général de Gaulle, dans Le Figaro, quotidien de droite, qui l'accuse d'être un provocateur, attisant la haine contre les Juifs. → Livré aux injures racistes et antisémites, Gainsbourg sera profondément choqué par cet épisode, ainsi qu'en témoigne un dossier retrouvé chez lui et dans lequel il conservait le témoignage de cette haine. → La seule chose qui semble ordonnée et rangée dans la maison de cet artiste semble être ce dossier, conséquent et parfaitement classé, à l'étonnement de sa propre fille. → L'annulation du concert avec l'intervention des paras semble venir, d'après les traces laissées dans le dossier et les recherches du musicologue du pamphlet de Michel Droit, à l'origine des attaques suivantes. → A cette époque, juin 1979 Gainbourg n'est pas un musicien très connu et reconnu et son budget pour enregistrer son album n'est pas très important → Cet album est celui de la consécration et du succès et c'est aussi ce qui va entraîner les réactions de haine. → Cet article du Figaro accuse de manière virulente le musicien d'origine juive de vouloir se faire de l'argent en insultant l'hymne national.
Document 3 :
→ l'historien, auteur de cet essai, tente de retracer l'histoire des détournements et transformations de l'hymne national. → La première idée est que ce n'est pas obligatoirement un geste de provocation. → La première transformation de l'hymne national s'est concentrée sur le changement de rythme : d'un rythme rapide et militaire, il a été ralenti pour s'adoucir. → L'instigateur de cette transformation, c'est le président de la République Giscard d'Estaing et il y a eu des réactions virulentes contre ce changement en 1974. → L'historien replace donc le scandale de La Marseillaise de Gainsbourg dans une perspective historique. → L'hymne national est un symbole qui revêt un caractère sacré et ne doit pas subir de changements. → L'histoire de l'hymne national est émaillée de réactions et scandales divers, comme celui des sifflets au moment de l'hymne dans le stade de Saint-Denis en 2001, ce qui a provoqué l'indignation et la réaction du président de la république de l'époque, Jacques Chirac. → Se pose alors la question de savoir si la version de Gainsbourg peut être considérée comme une forme d'hommage ou au contraire faire figure de provocation contre la chose nationale. → l'historien propose de mettre en regard les éléments politiques et l'environnement culturel du scandale de la Marseillaise de G. → A cette époque, il n'est pas encore le symbole de la provocation qu'il est devenu ensuite, en devenant le personnage de « Gainsbarre ». → Gainbourg serait, comme le personnage de Zelig, une sorte de caméléon, capable de saisir les modes les airs de son temps. C'est à ce titre qu'il a transformé et mis à son goût toutes sortes de genres musicaux, et la Marseillaise en tant que monument musical, n'a pas échappé à sa sagacité. → Sa version de la Marseillaise serait une façon d'exprimer aussi des idées politiques.
Document 4 :
→ Un joueur de foot américain, le sport le plus populaire aux E.U. Met le genou à terre au moment de l'hymne national. → C'est un quater back, le poste le plus important de ce sport. C'est une figure importante et une des plus regardées et admirées par le public. → Longtemps un sport réservé aux blancs, Colin Keapernick est un afroaméricain, fier de ses origines comme le montre sa coupe de cheveux. Elle est en effet le signe d'une revendication de ses origines, quand de nombreuses personnes d'origine africaine tente de se lisser les cheveux à la mode européenne. → L'hymne est un symbole, particulièrement fort et sacré aux yeux de nombreux Américains → Il est le premier à faire ce geste du genou à terre, la main sur la bouche. → Ce geste intervient au moment où de nombreuses manifestations surviennent contre les violences policières envers les afroaméricains essentiellement . → Le retentissement médiatique de ce geste sera énorme.
SYNTHESE : de quoi un hymne est-il le signe ?
Problématique : Dans quelle mesure un hymne national peut-il revêtir une dimension politique et sociale ?
Plan :
I La place de l'hymne national dans la société
1) des variations anciennes, un symbole national.
2) sacralisation et forme figée vs innovation
3) dimension populaire et universelle
II La dimension contestataire de l'hymne national
1) un temps communautaire fort et important marqué par l'écoute et le silence de la foule
2) des formes de contestations variées
3) l'expression de la révolte
Écriture personnelle : Selon vous, la musique peut-elle être un moyen de révolte ?
Plan :
I La musique est un moyen d'expression de la révolte
II Les autres fonctions. La musique est un moyen d'expression des émotions et un divertissement
SYNTHESE REDIGEE :
La musique est présente dans tous nos gestes quotidiens, on en écoute dans le bus, dans l'ascenseur ou les supermarchés. Mais elle est aussi présente lors de moments importants personnels, comme les décès ou lors d'événements populaires ou sportifs. Les hymnes nationaux joués lors d'événements populaires sont le signe d'une communauté et marquent souvent le temps d'un ralliement. Le corpus proposé à l'étude, composé d'un extrait de récit de Lydie Salvayre, d'un article de la revue Les Inrockuptibles de 2015, de l’article d'un historien et d'une photographie de 2016 interroge toutefois ce symbole. Il présente des temps où précisément, les hymnes sont le temps d'un geste de contestation. On pourra donc se demander dans quelle mesure un hymne national peut revêtir une dimension politique et sociale. Pour cela, nous étudierons et définirons dans un premier temps la place de l'hymne national dans la société. Dans un deuxième temps, nous analyserons la dimension contestataire de ce type spécifique de musique.
Dans un premier temps, l'hymne est une forme musicale qui a une place tout à fait singulière dans la société. D'abord, c'est un symbole national. C’est ce quesouligne Didier Francfort dans son article intitulé « La Marseillaise de Serge Gainsbourg », publié dans la revue d'histoire Vingtième Siècle en 2007. Cet historien engage à replacer le scandale de la version reggae dans la chronologie des faits et de l'évolution de la réception de cette musique. La variation, le moindre changement de l'air provoquent des réactions et la condamnation. Et il rappelle que ce n'est pas Gainsbourg qui est l'instigateur des réactions de révolte suite à la modification de La Marseillaise, mais le très conservateur Valéry Giscard d'Estaing. C'est ce qui apparaît également dans la photographie de Thearon W. Henderson prise le 2 octobre 2016 à Santa Clara. Au moment où l'hymne national retentit, tous les joueurs se tiennent devant le public et écoutent le morceau avant de commencer le match. C'est un rituel que l'on retrouve lors des compétitions internationales, mais aussi, comme c'est le cas ici, nationales. Ensuite, si les réactions face au moindre changement et évolutions éventuelles sont aussi virulentes, c'est par le fait que l'hymne est soumis à une sorte de sacralisation, quand l'histoire de la musique cherche bien souvent à évoluer et à trouver de nouveaux rythmes. Les musiciens sont des artistes, toujours en quête de nouveauté esthétique. C'est ce que relève Lydie Salvayre , dans son récit de la performance de Jimi Hendrix lors du concert de Woodstock en août 1969. Ce récit qui s'intitule Hymne et a été publié en 2011. Ce n'est pas une volonté première de provoquer qui pousse Jimi Hendrix à la distorsion de la partition, c'est avant tout une recherche sur les sons qui veut évoquer la guerre du Vietnam et le bruit des bombes. Connu pour utiliser la pédale de distorsion de manière large, il l'emploie également lors de la reprise de l'hymne, de manière tout à fait naturelle. De même, comme le souligne Mathieu Dejean dans l'article des Inrockuptibles publié en octobre 2015 qui a pour titre « le scandale de La Marseillaise de Serge Gainsbourg », cet auteur-compositeur est loin de se douter du scandale qu'il va susciter. Il n'est pas très connu, sa femme est plus renommée que lui, et il a tout juste le budget suffisant pour deux semaines d'enregistrement. Lydie Salvayre et Mathieu Dejean se rejoignent donc pour souligner que c'est avant tout une recherche esthétique et un geste artistique qui poussent les artistes à travailler une forme connue et convenue, afin de s'exprimer de manière résolument novatrice. Enfin, les hymnes nationaux sont des formes musicales qui sont singulières de par leur dimension populaire et universelle. Tel est le cas de « La Marseillaise » pour la France ou de « The Star-Spangled Banner » qui signifie « La Bannière étoilée » pour les États-Unis. Didier Francfort dans son article développe l'histoire de l'hymne national. Il précise qu'elle est émaillée de réactions et scandales divers, comme celui des sifflets au moment de l'hymne dans le stade de Saint-Denis en 2001 qui ont provoqué l'indignation et la réaction du président de la république de l'époque, Jacques Chirac. Cet événement, ainsi que la prestation de Jimi Hendrix que relate Lydie Salvayre à Woodstock ou la photographie prise pendant l'hymne, montrent bien que cette musique a une fonction sur la place publique. Devant un public nombreux et attentif, c'est le guitariste ou le quater back, le poste le plus important du football américain, une figure importante et une des plus regardées et admirées qui est observé, écouté pendant que le morceau se joue. L'hymne est un temps attendu et scruté par les spectateurs ou les supporters. Les hymnes sont des musiques qui ont une place tout à fait singulière dans la société et ils peuvent devenir l'occasion de contestation et de révolte.
Dans un second temps, les documents proposés à l'étude insistent tous sur l'idée que l'hymne national est aussi souvent l'occasion d'exprimer une forme de révolte. D'abord, Il est exécuté dans un cadre précis, un temps communautaire fort et important marqué par l'écoute et le silence de la foule. Le récit de Lydie Salvayre s'ouvre sur la personnalité du musicien : la douceur et la timidité qui semblent un élément essentiel et constitutif de son caractère alors que c'est un musicien qui va se produire devant une foule impressionnante. Colin Kaepernick, habitué aux stades et aux honneurs, n'a pas du tout la même attitude et le même caractère d'après ce qu'a capté le regard du photographe : la main sur la bouche et le genou à terre, il s'exprime par le silence, sûr de lui et avec une forme d'arrogance. Que ce soit dans un concert ou dans un stade, en France ou aux États-Unis, le public est là, attentif et captivé par les artistes ou les sportifs. Ensuite, la musique offre des formes de contestations variées. Si Gainsbourg et Hendrix sont des musiciens qui peuvent utiliser le temps des concerts pour s'exprimer, le sportif quant à lui, n'a que le temps préalable au match et un geste à affirmer. Lydie Salvayre justifie la timidité de Hendrix qui ne se sentait pas un musicien légitime car autodidacte. Il n'est pas un spécialiste aguerri, il n'a pas de formation musicale classique et ne sait pas lire les partitions, contrairement, comme elle le précise, à Miles Davis, un grand jazzman du XXe siècle. C'est par la distorsion des notes et l'usage de la pédale wouah wouah qu'il va s'exprimer. Serge Gainsbourg, bien avant de devenir le personnage de Gainsbarre a marqué une génération avec l'épisode des parachutistes qui essaient de l'empêcher de jouer avec sa version reggae de La Marseillaise enregistrée en Jamaïque. C'est le succès et les concerts qui vont susciter la colère de certains. Dans un sport longtemps réservé aux Blancs, Colin Keapernick est un Afro-américain, fier de ses origines comme le montre sa coupe de cheveux. Elle est en effet le signe d'une revendication de ses origines, quand de nombreuses personnes d'origine africaine tente de se lisser les cheveux à la mode européenne. Chacun dans son domaine, chacun selon ses capacités et sa sensibilité prend l'hymne comme une arme de combat et une forme d'expression de révolte. Finalement, les documents proposés insistent sur le fait que l'hymne, comme temps fort et symbolique, permet d'exprimer une contestation et une révolte. Lydie Salvayre note qu'Hendrix a rencontré très tôt et de manière violente le racisme et les propos intolérables dans un bar, au moment de la mort de Martin Luther King. C'est ce sentiment d'injustice et la violence de la guerre menée par les États-Unis contre le Vietnam qui va le conduire à déstructurer le « Star-Spangled Banner ». Pour Gainsbourg, la première étape de la révolte a été menée par une attaque d'un journaliste proche du général de Gaulle, dans un quotidien de droite, qui l'accuse d'être un provocateur, attisant la haine contre les Juifs. Livré ensuite aux injures racistes et antisémites, Gainsbourg sera profondément choqué par cet épisode, ainsi qu'en témoigne un dossier retrouvé chez lui et dans lequel il conservait le témoignage de cette haine. La photo, quant à elle, par sa diffusion instantanée est un moyen radical pour dénoncer les discriminations raciales et c'est cette radicalité qui est porteuse de scandale auprès des autorités.
En conclusion, nous avons examiné la place de l'hymne national dans la société qui a connu des variations nombreuses en tant que symbole national, un travail de désacralisation d'une forme souvent figée avec dimension populaire et universelle. Cette étude a également été l'occasion de mettre en lumière la dimension contestataire de cette forme de musique, lors de temps communautaires forts, selon des formes variées. La musique, avant toute chose, est l'expression d’une révolte.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire