BTS1 PIRATERIE ET UTOPIE Le pirate libertaire,
entre mythe et réalité Par Dominique Le Brun
Le pirate libertaire, entre mythe et réalité Par Dominique Le Brun le
01-06-2018
Mis en ligne le 30 Juil 2018 : https://www.geostrategia.fr/le-pirate-libertaire-entre-mythe-et-realite/
Cet article propose une analyse-comparaison à travers
le temps et l’espace, de l’ancienne piraterie caraïbe aux pirates somaliens
contemporains. Que reste-t-il du pirate « libertaire », façonné par la
littérature, à l’heure de la piraterie moderne (mafias, réseaux criminels
structurés et organisés)? Partis Pirates, piratage en ligne ; la tentation
libertaire du tournant des XVIIème et XVIIIème siècles se reformulerait-elle au
XXIème ? Ces questions structurent l’analyse menée par l’auteur.
Les pirates que nous allons évoquer ici appartiennent
à deux époques. Les premiers, au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, ont
écrit la légende du drapeau noir à tête de mort et tibias croisés en mer des
Caraïbes. Les seconds ont sévi vers les années 2000 à la Corne de l’Afrique. Et
pourtant, alors que tout les sépare, espace et temps, l’aura libertaire qui
s’est construite autour de l’ancienne piraterie caraïbe et qui lui a donné une
image durablement sympathique a avantageusement bénéficié aux pirates
somaliens, allant jusqu’à faire oublier leurs victimes.
Le pirate symbole de liberté
À la grande époque de la piraterie, l’engagement sous
le pavillon noir s’enracine dans la misère qui caractérise l’Angleterre du
XVIIIe siècle: c’est une manière de prendre son destin en main au lieu de subir
la pauvreté. En France, des protestants fuient les dragonnades dans un
embarquement pirate et sauvegardent ainsi leur liberté religieuse.
La capture par des pirates reste le mode de
recrutement le plus courant, le plus fréquent peut-être. En effet, quelle
alternative pour le matelot d’un navire marchand arraisonné par des forbans
dont l’équipage a besoin d’être complété? Entre périr ou se joindre à ses
agresseurs, le choix est vite fait. D’autant plus que sur la plupart des
bâtiments de commerce, la vie de l’équipage n’est pas idyllique. Lorsqu’on dit
des capitaines qu’ils sont «seuls maîtres à bord après Dieu», il faut bien
comprendre qu’ils possèdent quasiment droit de vie et de mort sur les marins.
Nombre d’entre eux usent et abusent de ce droit et c’est pourquoi la mutinerie
et la désertion sont deux autres manières d’entrer en piraterie.
Le matelot embarqué sur un navire pirate découvre
alors une nouvelle conception de la vie, avec la disparition de la discipline
uniquement fondée sur le respect d’une hiérarchie parfois discutable au profit
de règles librement adoptées. Exemple frappant: le capitaine pirate est
habituellement élu par son équipage et peut aussi, à tout moment, se voir
destitué.
Cette liberté possède cependant ses limites. Si
l’égalitarisme sert de socle à la société pirate, il demeure encadré par des
règles strictes sans lesquelles une telle association aboutirait vite au
naufrage du navire, à sa capture ou à de sanglants conflits individuels au sein
de l’équipage. Dans la charte attribuée à Bartholomew Roberts (1682-1722), la
sécurité du bord se trouve ainsi garantie par l’article IV «les lumières et
les chandelles doivent être éteintes à huit heures du soir» et la
discipline militaire par les articles V «les hommes doivent conserver leur
mousquet, leur sabre et leurs pistolets propres et prêts à l’usage» et VII
« quiconque déserterait le navire ou abandonnerait son poste de combat
au cours d’une bataille sera puni de mort ou abandonné sur une île déserte».
Pour la bonne entente de tous, le règlement prévoit dans son article VI que «la
présence de jeunes garçons et de femmes est interdite. Celui que l’on trouvera
en train de séduire une personne de l’autre sexe et de la faire naviguer
déguisée sera puni de mort». Et surtout, les trop prévisibles querelles
entre les marins trouvent leur solution dans l’article VIII: «personne ne
doit frapper quelqu’un d’autre à bord du navire; les différends seront réglés à
terre, à l’épée ou au pistolet».
Une autre limite à la liberté obtenue en devenant
pirate est l’impossibilité de revenir à une vie normale. Pour un « gueux de la
mer», comment débarquer dans un port avec au fond de son sac quelque richesse,
sans être immédiatement soupçonné de l’avoir acquise à coups de sabre
d’abordage? Pour qui s’est embarqué sous le pavillon noir, l’issue la plus
probable est désormais une mort violente, au combat ou la corde au cou.
Le pirate libertaire : histoire d’un mythe
Le mythe du pirate libertaire trouve son origine dans
deux sources. La première est un ouvrage connu en France sous le titre Aventuriers
et boucaniers d’Amérique, par Alexandre Œxmelin, chirurgien de la flibuste
de 1666 à 1672. Publié à Amsterdam en 1678, il connaît un grand succès au
moment où la piraterie commence à prendre un essor inquiétant aux Antilles. Le
phénomène va s’amplifier encore dans les premières années du XVIIIe siècle, le
commerce des colonies anglaises aux Amériques en souffre et la Royal Navy
lance un coup de filet gigantesque, ramenant à Londres de nombreux pirates pour
y être jugés. Ces grands procès vont être l’occasion d’en savoir plus long
sur ces fameux forbans.
En effet, afin de rassurer commerçants et financiers
sur la sécurité du négoce, les audiences font l’objet d’une large publicité. Et
cela n’échappe pas aux prévenus. Se sachant promis au gibet, les pirates se
donnent en spectacle, n’évoquant leurs crimes que pour renchérir dans l’horreur
et se lançant dans des diatribes contre l’ordre social et religieux. Le public
se presse pour profiter du scandale. Un certain Charles Johnson, qui se présente
comme capitaine marchand, ne manque pas une audience et accumule les notes.
Très vite, il en tire un livre appelé à devenir un best-seller, A General
History of the Robberies and Murders of the Most Notorious Pyrates,
qui sera réédité à neuf reprises pendant la vie de son auteur, en même temps
que traduit en quatre langues au moins. En tant que document, A General
History… pose problème à deux titres. D’abord, même s’ils sont enregistrés
au titre de minutes d’un procès, les propos des pirates ne reflètent pas du
tout la réalité. De plus, le capitaine Johnson n’est pas un témoin fiable. De
son vrai nom, il s’appelle Daniel Defoe, c’est l’auteur de Robinson Crusoé. Son
talent littéraire est certes immense, mais d’un romancier, on n’a jamais exigé
la vérité historique, bien au contraire! Les récits de Johnson-Defoe vont ainsi
offrir une matière quasi inépuisable à des dizaines d’autres romanciers, et non
des moindres puisque Robert-Louis Stevenson s’en inspire pour L’île au
trésor, Arthur Conan-Doyle pour Contes de pirates, Eugène Sue pour Kernok
le pirate, Pierre Mac Orlan pour À bord de L’Étoile Matutine…
Edward Teach, plus connu sous le nom de Barbe-Noire, a
inspiré de nombreux artistes.
«Histoire illustrée des pirates, corsaires, flibustiers, boucaniers, forbans, négriers et écumeurs de mer», Mort de Teach, Jules Trousset, 1891. Librairie illustrée, Paris.
N°inv.: J18. © Musée national de la Marine / P. Dantec.
à droite, BlackBeard. © Jean-Yves Delitte & éditions Glénat, 2018.
«Histoire illustrée des pirates, corsaires, flibustiers, boucaniers, forbans, négriers et écumeurs de mer», Mort de Teach, Jules Trousset, 1891. Librairie illustrée, Paris.
N°inv.: J18. © Musée national de la Marine / P. Dantec.
à droite, BlackBeard. © Jean-Yves Delitte & éditions Glénat, 2018.
Malheureusement, nombre d’auteurs amenés à écrire sur
la piraterie ignorent que A General History… relève plus de la
littérature que du document historique. Et, jusqu’aux travaux menés depuis les
années 1990 par des chercheurs scrupuleux, l’essentiel de ce qui s’écrit sur la
piraterie provient d’Œxmelin et de Johnson-Defoe… Il en résulte divers avatars,
dont le pire est l’aventure d’Olivier Misson et de Libertalia : c’est en effet
cette fiction qui va inspirer le mythe du «bon pirate», comme il y aura plus
tard celui du «bon sauvage». L’histoire d’Olivier Misson, dit aussi «le pirate
blanc », figure dans le livre de Defoe, mais son origine ne se trouve pas dans
un procès. L’ auteur évoque un manuscrit qui lui a été communiqué de manière
mystérieuse, un procédé romanesque maintes fois utilisé. Le personnage créé par
Defoe est un Français d’origine provençale qui abandonne la marine royale pour
hisser, non pas le drapeau noir, mais un pavillon blanc portant la devise «Pro
deo et libertate», «Pour Dieu et pour la liberté» donc. Misson sillonne les
océans pour châtier les mauvais capitaines et libérer les esclaves et finit par
créer, à Madagascar, une communauté dont le fonctionnement est celui d’une
république parlementaire moderne. Libertalia possède même sa propre langue,
mélange de français, de néerlandais et de portugais. Malheureusement, après
avoir résisté à la violente attaque d’une flotte portugaise, Libertalia
disparaît en une nuit, victime de l’attaque de Malgaches. Or, nombre
d’auteurs ont pris et prennent encore l’histoire de Libertalia pour une vérité
historique. La plaisante utopie née au XVIIIe siècle alimente donc encore et
toujours le mythe du pirate libertaire, ce qui n’est pas dénué de conséquences.
Littérature et empathie
C’est avec l’engouement pour les romans maritimes, au
XIXe siècle, que le personnage du pirate prend toute sa dimension mythique. En
1821, Walter Scott publie un roman intitulé Le Pirate dans lequel son
héros s’adonne à la piraterie parce qu’une injustice l’y a conduit. Cette
intrigue mérite qu’on s’y attarde, parce qu’elle va, elle aussi, inspirer
nombre d’auteurs par la suite, et ce, jusqu’à nos jours. À cette époque en
effet, le succès de la piraterie s’impose comme thème romanesque, parce que le
public se laisse emporter par le phénomène bien connu de la fascination exercée
par les transgressions en tous genres. Mais dans les sociétés puritaines du
XIXe siècle, en dehors de la Bible, la lecture demeure un plaisir coupable.
S’il veut exploiter la «fascination devant la transgression», le romancier doit
trouver une motivation avouable à cette dernière. De ce point de vue, le
«pirate malgré lui» présente l’avantage supplémentaire de fournir une chute
morale au roman, avec le retour du héros dans le droit chemin. Par la suite, la
bande
Extrait de la bande dessinée Barracuda de Jérémy et
Dufaux.
© Dargaud Benelux (Dargaud-Lombard s.a.), 2018.
© Dargaud Benelux (Dargaud-Lombard s.a.), 2018.
dessinée et le cinéma fonctionneront sur le principe
récurrent de la moralité sauve : la bande dessinée en tant que publication
destinée à la jeunesse, et par conséquent soumise à contrôle, et le cinéma
américain pour ne pas risquerdes interdictions de projection sous la pression
des puissantes ligues bien-pensantes. En réalité, la moralité ne s’en tire pas
toujours aussi bien. Ainsi, 20000 lieues sous les mers… Avec le
capitaine Nemo et son Nautilus, Jules Verne reprend bien le thème du
«pirate pour une noble cause», mais que deviennent donc les équipages des
navires coulés dans les premières pages du récit? Jules Verne ne se pose pas la
question et peu de lecteurs songent aux innocentes victimes du Nautilus.
L’empathie que le capitaine Nemo est supposé inspirer reste donc assez
discutable.
Aujourd’hui, on peut considérer que la piraterie a
inspiré des pans entiers de la littérature populaire et du cinéma. En mars
2018, un site internet, tenu à jour de manière régulière, recense 247 bandes
dessinées consacrées à des histoires de pirates et de corsaires. On y observe
que, dès la fin de la Seconde guerre mondiale, le thème du pirate tient une
bonne place parmi les thèmes les plus traités dans les ouvrages bon marché,
dont les sujets de prédilection sont le western et le conflit alors tout juste
achevé. Dans les années suivantes et jusqu’à aujourd’hui, les histoires de
pirates tiennent leur part dans le mouvement BD avec plusieurs séries cultes.
La plus célèbre est sans conteste Barbe-Rouge, imaginée par Charlier et
Hubinon à partir de 1961, qui a atteint 35 tomes et s’est poursuivie ensuite
avec plusieurs auteurs, dessinateurs et coloristes. Avec le renouveau de la BD
dans les années 1970, les pirates ont un peu évolué, à l’instar des créations
de Hugo Pratt: l’apparition du personnage de Corto Maltese en aventurier
sympathique à côté de l’infâme et comique Raspoutine donnant au genre un style
nouveau, loin du respect de toute moralité. Aujourd’hui, non seulement les
séries inspirées par la piraterie se multiplient, mais les ventes atteignent
des sommets: avec les neuf titres de L’Épervier, Patrice Pellerin a
dépassé le million d’albums vendus! Quant au cinéma, le même site évoqué
ci-dessus liste 261 films inspirés par la piraterie depuis 1904, et il apparaît
que le genre ne s’est jamais essoufflé avec des moments d’intense production:
18 films pirates en 1960-1961, la douzaine dépassée entre 2010 et 2012, dont le
blockbuster Pirates des Caraïbes !
C’est ainsi qu’en exploitant le caractère chimérique
de la vie des pirates, la littérature et le cinéma ont conduit l’inconscient
collectif occidental à situer le pirate dans le registre du truculent et du
pittoresque, et non dans celui du tragique. Et ce malentendu littéraire a eu de
lourdes conséquences à partir de 1990, lorsque de véritables pirates sont
revenus infester les mers, au large de la Somalie en particulier.
La sinistre réalité de la piraterie
Vers les années 1990-2000, lorsque la piraterie commence à sévir autour de
la Corne de l’Afrique, on ne veut d’abord voir dans les agresseurs que de
pauvres pêcheurs dont les ressources naturelles ont été pillées par les
chalutiers-usines venus du monde entier et qui se « payent» sur les autres
navires de passage. À défaut de «pirates malgré eux », ils apparaissent comme «
condamnés à la piraterie pour survivre». Et parce que les médias s’attachent à
décrire la piraterie comme la réaction de populations pauvres face aux fortunes
que le monde occidental fait défiler devant elles, les opinions publiques
mettent longtemps à prendre la mesure du phénomène. Les moyens techniques mis
en œuvre pour attaquer les cargos, ainsi que le savoir-faire des négociateurs,
prouvent pourtant que derrière les
agresseurs effectivement misérables se tiennent des commanditaires à côté desquels Barbe-Noire lui-même ferait figure d’aimable amateur. Dans cette piraterie moderne, il reste difficile de faire la part entre ce qui relève de chefs de guerre locaux, de réseaux mafieux internationaux et du terrorisme mondial orchestré par le fondamentalisme islamique. Mais quoi qu’il en soit, l’affaire n’a plus rien à voir avec l’image grand-guignolesque du pirate à jambe de bois et bandeau sur l’œil.
agresseurs effectivement misérables se tiennent des commanditaires à côté desquels Barbe-Noire lui-même ferait figure d’aimable amateur. Dans cette piraterie moderne, il reste difficile de faire la part entre ce qui relève de chefs de guerre locaux, de réseaux mafieux internationaux et du terrorisme mondial orchestré par le fondamentalisme islamique. Mais quoi qu’il en soit, l’affaire n’a plus rien à voir avec l’image grand-guignolesque du pirate à jambe de bois et bandeau sur l’œil.
Actes de piraterie répertoriés dans l’océan Indien en
2017
Source : International Chamber of Commerce (ICC).
C’est seulement à la fin 2008 que la communauté
internationale réagit en organisant l’opération Atalante, à l’initiative
de l’Espagne et de la France. Il est vrai que les conséquences financières de
la piraterie en océan Indien se font alors ressentir à travers une forte
augmentation du coût des assurances. Si la sécurité du trafic s’améliore dès
lors progressivement jusqu’à une mise en sommeil de la piraterie somalienne, la
question des victimes n’est pas résolue aussi vite. En témoigne, le 7 mai 2011,
un colloque réunissant à Royan des juristes, des militaires et des armateurs
autour du problème de la piraterie. À l’époque, des centaines de marins sont
encore retenus en otage dans l’attente du versement d’une rançon. Ce qui amène
le Secrétaire général de la Mer, Jean-François Tallec, à s’interroger sans
ambage: «Je ne comprends pas que des ONG ne se mobilisent pas en faveur des
victimes de la piraterie comme elles se mobilisent pour d’autres causes et
d’autres victimes.» Mais les équipages entre les mains de pirates sont
originaires d’Inde, des Philippines, de Syrie, de plus ils sont embarqués sous
pavillon de complaisance par des armateurs qui préfèrent abandonner leur navire
que de payer une rançon. Dès lors, qui pourrait s’intéresser à leur sort?
Une prise de conscience semble cependant se faire jour
et l’année suivante, un nouveau colloque est organisé: La Piraterie au fil
de l’Histoire: un défi pour l’État. Parmi les interventions envisagées
figure: «Le pirate dans l’ordre symbolique», qui « expose, dans une approche
occidentale, la mutation de barbare sanguinaire en héros romantique, aux
exceptions notoires des Barbaresques, des pavillons noirs indochinois et autres
forbans chinois ou malais. Incarnation de la transgression, il est entré en
littérature grâce à des écrivains talentueux. Cette dimension se
retrouve-t-elle dans d’autres civilisations? En tout cas, elle brouille les
perceptions entre réalité, mythes et légendes, d’autant qu’elle rebondit
sur une interprétation libertaire du pirate, rebelle “entrant en piraterie”, un
résistant animé par le désespoir et la colère envers une société injuste et
oppressive. Quel impact cette ambivalence a-t-elle sur les opinions, les
médias? En regard, comment est pris en compte le point de vue des victimes,
leurs traumatismes?» Hélas, cette communication très attendue sera
remplacée par des interventions plus conventionnelles. Ce qui est bien dommage,
car l’occasion était donnée là d’identifier toutes les raisons qui avaient
permis à l’image du pirate de bénéficier d’une aura aussi favorable.
Et si nous avions besoin de pirates libertaires?
On peut d’autant plus le regretter qu’aujourd’hui, le
pavillon noir à tête de mort et tibias croisés flotte partout sans que plus
personne ne songe à ce qu’il a signifié et signifie toujours. Cette
banalisation a quelque chose d’inquiétant. Comme si, dans l’univers de plus en
plus globalisé, normé et pas toujours raisonnable qui s’impose à chacun d’entre
nous, hisser le pavillon noir passait pour une façon d’affirmer son existence
propre. Depuis quelques années, les exemples se multiplient. Ainsi, en 2005, apparaît
un nouveau parti politique suédois. D’esprit libertaire, fondé sur des théories
anarchistes, il choisit de s’appeler Parti Pirate et c’est sous ce même nom
qu’il obtient une représentation au parlement européen. Dans le domaine
écologique, le combat de Paul Watson pour la sauvegarde des océans aurait-il
connu la même popularité si les navires de son association Sea Sheperd
n’avaient pas arboré le pavillon noir à tête de mort? L’ activiste n’est-il pas
surnommé «le pirate de l’écologie»? S’agissant maintenant d’informatique, on
emploie le mot piratage et non piraterie pour désigner la copie illicite de
logiciels, musiques, films. Peut-être parce que dans piratage, on lit
bricolage, ce qui atténue la gravité de ce qui reste un délit. Mais habiller le
voleur en pirate explicite éventuellement ses motivations, car le refus de
payer des redevances ne suffit pas toujours à expliquer la petite délinquance
informatique. On peut y voir aussi un besoin de s’émanciper de l’emprise
tentaculaire qu’exercent sur tout un chacun les GAFAM[1]. Et quoi
qu’il en soit, tout conduit à se demander si la banalisation du mot et des
symboles pirates ne doit pas désormais se lire comme le reflet d’une
incontournable tentation libertaire.
Référence :
1.
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Google,
Apple, Facebook, Amazon et Microsoft
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