Penser à partir de l’Actu avec Ibrahim Thiaw : les animaux qui nous
ont infectés ne sont pas venus à nous ; nous sommes allés les chercher.
Coronavirus : « Les
animaux qui nous ont infectés ne sont pas venus à nous ; nous sommes allés
les chercher » Par Ibrahim Thiaw, Secrétaire
exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la
désertification 29/03/2020
https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/29/coronavirus-la-pandemie-demande-que-nous-re-definissions-un-contrat-naturel-et-social-entre-l-homme-et-la-nature_6034804_3232.html
La majorité des nouvelles maladies infectieuses humaines sont transmises
par des animaux dont nous détruisons l’environnement, explique Ibrahim Thiaw,
le secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies sur la lutte contre
la désertification.
Tribune.
La pandémie du Covid-19 a créé une situation inédite. Le monde moderne et puissant
est soudainement grippé, s’accrochant à l’espoir qu’un vaccin sera découvert
dans les prochains mois. Viendra ensuite le temps des leçons. Il y a eu le jour
d’avant. Il y aura le jour d’après. Passé le traumatisme, pourra-t-on revenir
au « business as usual » ?
Nul doute que de nombreuses leçons vont être tirées. Va-t-on enfin
commencer à écouter les scientifiques ? En ces temps de crise, les leaders
mondiaux, même les plus sceptiques à l’égard de la science, réunissent leurs
meilleurs experts et fondent la plupart de leurs politiques sur des bases
scientifiques. Tant mieux. C’est peut-être la première leçon. Il reste que les décisions du jour ne
concernent littéralement que le traitement des symptômes. Très peu se sont
penchées sur les causes profondes de naissance et de propagation de la pandémie.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Comment éviter que de telles crises
sanitaires se répètent ?
L’animal à l’origine du Covid-19, ainsi que le patient 0, ne sont
toujours pas officiellement confirmés. Cependant, les conclusions des
scientifiques (santé humaine, santé animale, environnement) sont unanimes sur
une transmission de l’animal à l’homme. Selon l’Organisation mondiale de la santé
(OMS), 60 % des nouvelles maladies infectieuses humaines sont d’origine
zoonotique, c’est-à-dire qu’elles sont transmises par des animaux. Ces maladies
portent des noms acronymiques difficiles à répéter, dont la plupart ont fait
frémir le monde : fièvre de la vallée du Rift, SARS, H1N1, fièvre jaune,
grippe aviaire H5N1 et H7N9, MERS-CoV. La liste est longue.
Le commerce illégal de la faune est considéré comme un facteur aggravant
car les contacts entre l’animal et l’humain sont, par définition, faits sans
contrôle vétérinaire. Lorsqu’on pratique un trafic et un recel illégal
d’animaux, lorsqu’on pratique la chasse sans contrôle, lorsqu’on détruit les
écosystèmes et pénètre dans des endroits infestés, on prend des risques. La
transmission d’Ebola en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest s’est faite
entre les animaux sauvages et les humains, généralement à travers la chasse
illégale. En d’autres termes, les animaux qui nous ont infectés ne sont pas
venus dans nos villages ; nous sommes allés les chercher. Il est clair
que l’évolution des comportements humains influence fortement la transmission
des agents zoonotiques à l’homme. Quid de nos modes de consommation qui
conditionnent l’émergence de toutes ces maladies qui se développent ? La
pandémie actuelle posera la question du contrat social entre nous autres
humains. Elle demandera aussi que nous (re)définissions un contrat naturel et
social entre l’homme et la nature.
Nos modes de vie, nos modes de consommation, nos systèmes de production
très intensifs dans la sollicitation de l’eau, de la terre, de l’air et de
l’énergie conduisent à une mutation des sociétés. L’accumulation et la
répétition (quotidienne) de nos petites habitudes, parfois anodines, portées à
l’échelle de la population mondiale ont un impact non négligeable sur la
planète et sur l’utilisation des ressources. N’oublions pas que la dégradation
des terres a aussi ses conséquences sur la santé humaine : pollution de
l’eau, prolifération de maladies hydriques, vents de sable (pollution de l’air)
et sécheresses (méningites). A
l’échelle mondiale, seulement 25 % de la surface terrestre est proche de
son état naturel. D’ici à 2050, cette proportion sera de l’ordre de 10 %
si nous ne changeons pas notre approche. Les régions qui seront
principalement affectées seront les forêts et les prairies d’Afrique, futures
frontières de production agricole.
Certains spécialistes, accusés par d’autres d’avoir des opinions radicales,
estiment que la nature « réagit » et se « protège ».
La nature est en effet résiliente. Certes. Elle peut résister à nos assauts
jusqu’à un certain point. Finira-t-elle par céder ou saura-t-elle réagir ?
Lequel de ces deux scénarios préfère-t-on ?
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