mardi 14 avril 2020

ARCHI: Les 10 mots de la ville Par Chloé Rébillard



◊ Anthropocène
Que verront les géologues du futur qui tomberont sur la couche sédimentaire laissée par la mégapole parisienne ? Que restera-t-il de la tour Eiffel, de la Défense et de la pollution de la Seine ? Selon les géologues, bien actuels ceux-ci, nous sommes entrés dans une nouvelle ère dans laquelle l’espèce humaine a pris le pas sur toutes les autres forces géophysiques, venant ainsi bouleverser les équilibres naturels, en particulier le climat, et qui laissera une trace indélébile dans les couches sédimentaires du futur, au même titre que l’Ordovicien ou le Jurassique. La date qui a été retenue afin de marquer le début de l’ère dominée par Homo sapiens est celle de l’invention de la machine à vapeur en 1784. Depuis lors, l’homme a dépassé les frontières écologiques ouvrant la voie à une ère inédite. L’Anthropocène remplace ainsi l’Holocène dans l’ordre de succession des temps géologiques. Si le terme Anthropocène est le plus largement répandu, il n’échappe pas à la concurrence : certains chercheurs proposent le terme de Molysmocène (ou âge de la pollution), quand d’autres avancent avec humour celui de Poubellien supérieur.

◊ Bilan carbone
Des cheminées industrielles rejetant une noire fumée dans le ciel aux voitures bloquant le périphérique aux heures de pointe, la ville génère une grande partie des émissions de gaz à effet de serre. Pour calculer le niveau d’émission, le bilan carbone est un outil d’étude sur la vulnérabilité d’une activité économique ou d’une collectivité, en particulier sur son niveau de dépendance aux énergies fossiles, dont les prix sont en hausse constante depuis plusieurs années. Depuis 2012, la loi Grenelle II a rendu obligatoire le calcul du bilan des émissions de gaz à effet de serre pour les grandes entreprises et collectivités. Le bilan carbone est l’une des variantes qui entre dans le calcul. Avant cette loi, il servait avant toute chose à alimenter en informations les systèmes d’échange de type Bourse du carbone. Désormais, il permet également de proposer des solutions de réduction de la consommation d’énergie, et d’optimiser la fiscalité environnementale.

◊ Densité
Pour vivre mieux, vivons serrés ? L’idée répandue selon laquelle une forte densité de population en ville permet de gagner en durabilité en limitant le recours aux modes de transport individuel, en réduisant la consommation d’énergie, ou encore en diminuant les prix de l’immobilier est à nuancer. Effectivement, une forte densité a des effets positifs sur l’environnement mais peut aussi avoir des conséquences plus perverses : à force d’entendre les cris d’un voisin de palier braillard à travers des murs fins comme du papier de cigarette, la tentation peut être grande d’aller se mettre au vert pendant les week-ends. Or, cela entraîne des déplacements pendulaires (allers-retours entre l’espace urbain et ses à-côtés) importants, nocifs pour l’environnement. Autre effet indésirable, certains s’éloignent de la ville pour vivre dans un milieu plus aéré. La faible attirance des populations pour un milieu densément peuplé est donc à prendre en compte afin de parvenir à une densité intermédiaire, à la fois respectueuse de l’environnement mais aussi des populations, ce qui engagerait ainsi un vrai processus de développement durable.

◊ Gentrification
Il y a quelques années, l’installation d’une brasserie bourgeoise au cœur du quartier de Barbès, à Paris, zone populaire par excellence, en avait fait rugir plus d’un. Et ce n’est pas contre la brasserie elle-même, qui n’avait pas de quoi scandaliser avec un décor très parisien et un menu on ne peut plus classique, mais contre le processus de gentrification dont elle est devenue le symbole que les voix se sont élevées. Elle est devenue le totem de ce processus social d’embourgeoisement qui transforme des quartiers anciennement mixtes socialement en quartiers habités par des classes moyennes ou supérieures. Rénovation des bâtiments, élévation du prix de l’immobilier, arrivée de nouveaux commerces plus en phase avec la population, etc., les conséquences de la gentrification sur la physionomie de la ville sont importantes. Quant à la brasserie de Barbès, elle dresse toujours sa proue bourgeoise au cœur d’une marée populaire, prouvant que les protestations de façade n’ont pour l’instant que peu d’impact sur le déroulement du processus.

◊ Lenteur en ville
En Italie est né un principe urbain qui fait l’éloge de la lenteur. Au lieu de courir après la rentabilité, l’efficacité et la croissance, ce mouvement propose de se promener au travers des espaces de vie offerts par la ville et d’en créer de nouveaux. Réfléchir, échanger avec les autres et profiter des lieux sont au cœur de la démarche. Si toutes les villes n’en font pas un principe fondamental, l’« urgence de ralentir » a gagné du terrain dans les esprits et les expériences originales d’il y a dix ans ont semé des idées dans d’autres lieux. Concrètement, la ville lente se caractériserait par une promotion de technologies écologiques, la rénovation de bâtiments déjà existants, plutôt que la construction de nouveaux, la multiplication des zones piétonnes afin d’encourager la mobilité lente, etc. Résolument ancré dans l’idée de décroissance économique, le mouvement des villes lentes a pour objectif principal le mieux-être des habitants.

◊ Périurbain
La notion de périurbain regroupe des réalités hétérogènes. Elle désigne les espaces discontinus situés en périphérie des grandes villes et ayant un lien avec l’agglomération.
Si certains à son évocation imaginent des pavillons avec jardin en lotissements, symboles de la classe moyenne, d’autres verront plutôt des maisons de campagne isolées. Le périurbain souffre d’une mauvaise réputation, notamment en matière environnementale, puisqu’il serait à l’origine de la consommation d’énergie importante et favoriserait l’étalement urbain.
Autre préjugé à son égard, il concentrerait des foyers plus pauvres, n’ayant pas les moyens de vivre en ville. Si sa mauvaise réputation n’est pas totalement imméritée en ce qui concerne l’environnement, le périurbain attire surtout des membres de la classe moyenne, et le taux de pauvreté y est nettement moins élevé que dans les grands pôles urbains.

Smart city
Le terme « smart city » traduit par « ville intelligente » en français, est un peu à la ville ce que le smartphone est au téléphone portable : une ville qui n’est plus seulement un lieu de vie et qui se voit augmentée par les réseaux de l’ère numérique. Il ne s’agit pas d’une ville à proprement parler intelligente, mais d’une ville intelligemment peuplée par ses élus, ses habitants, ses collectivités et ses entreprises. Le moyen d’y parvenir ? Optimiser les informations et les circulations urbaines grâce aux évolutions apportées par l’ère numérique. La révolution de la donnée (ou data) ne transformera certainement pas la ville autant que l’électricité l’a fait, mais elle permet néanmoins d’innover dans les relations entre habitants et agglomérations. Elle apporte également son lot de problèmes en termes de sécurité, les plus pessimistes allant jusqu’à prédire à la ville de demain un avenir sous l’œil de Big Brother, façon 1984 de Georges Orwell.

◊ Transition (ville en)
Quelles villes sont en transition ? Faire du développement durable par petites touches, est-ce être en transition ? En France, quelques dizaines de villes ont véritablement entamé un tel processus, comme c’est le cas à Grenoble ou encore dans le 7e arrondissement de Lyon. Il s’agit d’appréhender le pic pétrolier, la crise financière et le changement climatique comme des opportunités pour changer radicalement de mode de vie. Les crises seraient le moment de tout transformer afin de construire des villes en capacité de réagir seules, que l’on appelle désormais « villes en résilience ». Pour parvenir à cet objectif, divers moyens sont mis en place : monnaies locales, relocalisation des activités, décroissance volontaire etc. Les projets ne sont pas mis sur les épaules des comportements individuels ni des politiques publiques, ils sont avant tout menés par la société civile, par les habitants. Les initiatives ne sont pas uniquement écologiques, même si l’un des objectifs premiers reste de combattre la dépendance au pétrole. Les rencontres culturelles, la lutte contre l’exclusion sociale ou le développement d’un lien intergénérationnel sont aussi au menu des villes en transition.

◊ Transition énergétique
Un parc éolien plutôt qu’une centrale à charbon, l’idée paraît aujourd’hui plutôt évidente à une majorité de personnes : elle vient de la transition énergétique. Cette dernière a pour objectif de diminuer les gaz à effet de serre dans le contexte actuel de réchauffement climatique. Pour cela, diverses solutions sont mises en œuvre, du stockage des émissions de carbone jusqu’au recours aux énergies renouvelables, en passant par l’efficacité énergétique (lutte contre le gaspillage, isolation des habitats, etc.). Le défaut majeur de la transition énergétique est la destruction d’emplois qu’elle entraîne dans certains secteurs, comme le nucléaire ou l’industrie pétrolière. Néanmoins, les créations d’emplois dans de nouveaux secteurs compensent cet effet indésirable. Afin de respecter le volet social du développement durable, il faut également veiller à ce que la transition énergétique reste accessible au plus grand nombre, et ne devienne pas un facteur excluant des populations les plus pauvres.

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