dimanche 26 avril 2020

FOCUS Jean-Louis Etienne : "C'est une opportunité d'avoir du temps avec soi."


Il y a bien longtemps, en Norvège où je résidais alors, j’ai rencontré Jean-Louis Etienne. Il cherchait des subventions pour ses expéditions et devait faire antichambre dans les ambassades et ministères, ce qu’il n’aimait guère. Les heures précieuses de l’existence, il préférait les passer dehors, dans le froid, à lutter avec les éléments, à les défier. Avec quelques collègues de l’ambassade de France, j’avais été invité à bord de sa goélette reconnaissable entre toutes, l’Antarctica, devenu depuis Sea Master puis Tara. Les deux architectes navals , Luc Bouvet et Olivier Petit qui l’avaient dessinée étaient de la partie. Un beau souvenir!


Je vous mets sur le blog un entretien récent de Jean-Louis Etienne.

Jean-Louis Etienne : "Il faut réapprendre à vivre avec soi-même"
 France Inter publié le 17 avril 2020

Au micro d'Ali Rebeihi, dans l'émission "Grand Bien Vous Fasse", le médecin-explorateur et aventurier des pôles, Jean-Louis Etienne a connu l'expérience du froid et de la solitude totale et nous enseigne à sa manière la persévérance, l'une des vertus cardinales pour mener notre vie en ces temps compliqués. 

Le regard du médecin-explorateur Jean-Louis Etienne sur le confinement © AFP / PHILIPPE DESMAZES 

En 1986, il est le premier homme à atteindre le pôle Nord en solitaire, tirant son traîneau pendant soixante-trois jours par des températures extrêmes jusqu'à - 50°C. Il nous invite à être persévérant même quand nous vivons un confinement difficile.

Toujours rester persévérant 

Jean-Louis Etienne : "Ça sous-entend qu'on est engagé dans une voie pour laquelle on n'a pas d'autre choix que de s'adapter. La persévérance peut être dans ce que l'on fait de ce temps que nous avons devons nous en ce moment. Jamais on n’a eu autant de temps avec nous". 
C'est toute la difficulté de réapprendre à vivre avec soi-même qui se pose aujourd'hui.

Mieux apprendre à résister et connaitre ses limites

Jean-Louis Etienne : "Quant à mon expérience passée au pôle Nord en 1986, j'ai écrit quelques lignes sur le confinement polaire. C'est vrai, j'étais dans un espace immense qui était la banquise du pôle Nord mais, en même temps, je n'avais aucune référence à l'humain. 
J'étais simplement prisonnier de mon ambition, de mon idée.
Je me suis trouvé prisonnier de cette histoire collective tant les conditions étaient difficiles et j'étais sur le moment habité par une seule envie : trouver une bonne raison d'abandonner. Mais j'ai résisté jour après jour en me disant que j'allais tenir et m'organiser. 
Je me suis rendu compte d'une chose : on me dit tout le temps que j'ai repoussé mes limites. 
Je n'ai pas repoussé les limites, j'ai appris à les connaître car on découvre ses limites ! 
Et aujourd'hui, la situation que l'on vit, ce confinement, qui est du temps à passer avec soi-même ou ses proches dans un espace restreint, il faut apprendre à prendre le temps sans avoir l'impression de le perdre. C'est une opportunité d'avoir du temps avec soi, apprendre à donner le meilleur de soi-même, d'aller le chercher pour l'offrir à ses proches qui sont là. C'est vraiment un exercice personnel très fort".

Cultiver "le positivisme de l'inconnu"

Jean-Louis Etienne : "On est actuellement confiné dans des routines. Aujourd'hui, il y a une rupture de cette routine. C'est ça qui nous dépayse. Mais surtout cette rupture doit nous pousser à réapprendre à vivre dans la proximité ! Il y a peut-être un positivisme à cultiver, celui de l'inconnu. 
Certes, on ne sait pas où on va, c'est compliqué à mener la gestion collective mais chacun doit se recréer son espace dans l'inconnu. L'inconnu de savoir comment ça va se passer quand on va en sortir. 
Il y a un vrai apprentissage à vivre avec soi-même, qui est obligatoire.

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