Il y a bien longtemps, en
Norvège où je résidais alors, j’ai rencontré Jean-Louis Etienne. Il cherchait
des subventions pour ses expéditions et devait faire antichambre dans les
ambassades et ministères, ce qu’il n’aimait guère. Les heures précieuses de l’existence,
il préférait les passer dehors, dans le froid, à lutter avec les éléments, à
les défier. Avec quelques collègues de l’ambassade de France, j’avais été
invité à bord de sa goélette reconnaissable entre toutes, l’Antarctica, devenu
depuis Sea Master puis Tara. Les deux architectes navals , Luc Bouvet et
Olivier Petit qui l’avaient dessinée étaient de la partie. Un beau souvenir!
Je vous mets sur le blog un
entretien récent de Jean-Louis Etienne.
Jean-Louis Etienne : "Il
faut réapprendre à vivre avec soi-même"
Au micro d'Ali Rebeihi, dans l'émission "Grand Bien Vous Fasse",
le médecin-explorateur et aventurier des pôles, Jean-Louis Etienne a connu
l'expérience du froid et de la solitude totale et nous enseigne à sa manière la
persévérance, l'une des vertus cardinales pour mener notre vie en ces temps
compliqués.
Le regard du
médecin-explorateur Jean-Louis Etienne sur le confinement © AFP / PHILIPPE
DESMAZES
En 1986, il est le premier homme à atteindre le pôle Nord en solitaire,
tirant son traîneau pendant soixante-trois jours par des températures extrêmes
jusqu'à - 50°C. Il nous invite à être persévérant même quand nous vivons un
confinement difficile.
Toujours rester persévérant
Jean-Louis Etienne : "Ça sous-entend qu'on est engagé dans une
voie pour laquelle on n'a pas d'autre choix que de s'adapter. La persévérance
peut être dans ce que l'on fait de ce temps que nous avons devons nous en ce
moment. Jamais on n’a eu autant de temps avec nous".
C'est toute la difficulté de réapprendre à vivre avec soi-même qui se pose
aujourd'hui.
Mieux apprendre à résister et connaitre ses limites
Jean-Louis Etienne : "Quant à mon expérience passée au pôle Nord
en 1986, j'ai écrit quelques lignes sur le confinement polaire. C'est vrai,
j'étais dans un espace immense qui était la banquise du pôle Nord mais, en même
temps, je n'avais aucune référence à l'humain.
J'étais simplement prisonnier de mon ambition, de mon idée.
Je me suis trouvé prisonnier de cette histoire collective tant les
conditions étaient difficiles et j'étais sur le moment habité par une seule
envie : trouver une bonne raison d'abandonner. Mais j'ai résisté jour
après jour en me disant que j'allais tenir et m'organiser.
Je me suis rendu compte d'une chose : on me dit tout le temps que j'ai
repoussé mes limites.
Je n'ai pas repoussé les limites, j'ai appris à les connaître car on
découvre ses limites !
Et aujourd'hui, la situation que l'on vit, ce confinement, qui est du temps
à passer avec soi-même ou ses proches dans un espace restreint, il faut
apprendre à prendre le temps sans avoir l'impression de le perdre. C'est
une opportunité d'avoir du temps avec soi, apprendre à donner le meilleur de
soi-même, d'aller le chercher pour l'offrir à ses proches qui sont là. C'est
vraiment un exercice personnel très fort".
Cultiver "le positivisme de l'inconnu"
Jean-Louis Etienne : "On est actuellement confiné dans des
routines. Aujourd'hui, il y a une rupture de cette routine. C'est ça qui nous
dépayse. Mais surtout cette rupture doit nous pousser à réapprendre à vivre
dans la proximité ! Il y a peut-être un positivisme à cultiver, celui de
l'inconnu.
Certes, on ne sait pas où on va, c'est compliqué à mener la gestion
collective mais chacun doit se recréer son espace dans l'inconnu. L'inconnu de
savoir comment ça va se passer quand on va en sortir.
Il y a un vrai apprentissage à vivre avec soi-même, qui est obligatoire.
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