Pour les jeunes qui terminent leurs études, la
grande incertitude de l’insertion professionnelle Par Alice Raybaud
Le Monde 14/04/2020
Avec le confinement, l’arrêt de nombreux secteurs de l’économie rend
particulièrement difficile l’entrée sur le marché du travail. Certains jeunes
envisagent déjà de prolonger leurs études, afin de repousser leur insertion à
des jours meilleurs.
Etudiante en dernière année en école de commerce, Laura* avait attendu des
mois que soit ouverte l’offre annuelle pour le poste qu’elle convoitait dans un
fonds d’investissement londonien. Elle en était à la moitié du processus
d’embauche, début mars, quand la crise du Covid-19 a éclaté. Et avec elle, la mise à
l’arrêt de nombreux secteurs. « Très vite, l’offre a été
annulée par l’entreprise », témoigne l’étudiante à l’Essec. Rapatriée
en catastrophe de Singapour, où elle était en échange universitaire, Laura a dû
dire au revoir à un deuxième échange dans une école romaine, lui aussi annulé.
Sur les sites d’emplois, elle observe que le nombre d’offres correspondant à sa
qualification dégringole.
« Je suis dans le flou complet pour la suite, se désespère Laura. J’ai
peur d’être au chômage en septembre, après cinq ans d’études… » Alors
qu’elle sera détentrice d’un diplôme qui assure habituellement une insertion
royale, sa vive inquiétude dit beaucoup de l’incertitude qui pèse sur l’avenir
professionnel des étudiants de la « promotion Covid », qui
termine ses études dans un contexte inédit.
« Il est difficile de prédire quelle sera la réalité du marché du
travail de sortie de crise, puisqu’elle dépend fortement du scénario de
déconfinement adopté, pointe l’économiste Stéphane Carcillo, chef de la
division emploi à l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE). Mais pour les futurs jeunes diplômés, il est à prévoir une entrée
dans la vie active davantage chaotique, sur des emplois plus précaires et avec
des effets durables possibles sur une carrière, notamment sur les salaires. Même
si, avec les mesures de soutien à l’économie mises en place, cela devrait
surtout être vrai pour les secteurs qui auront le plus de mal à
redémarrer. »
« Promotion maudite »
Alors que, l’année dernière, les salaires médians des jeunes diplômés
bac + 5 étaient de 30 000 euros annuels brut, avec
68 % d’entre eux en CDI un an après leur diplôme, selon les chiffres de l’enquête annuelle
de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec), ces indicateurs
pourraient chuter. Tourisme, culture, transports… Certains secteurs, qui
subissent un arrêt quasi complet depuis la mi-mars, seront plus touchés que
d’autres, avec un retour à la normale qui ne sera vraisemblablement pas
effectif dès la fin des mesures de confinement.
A l’Ecole supérieure des techniques aéronautiques et de construction
automobile (Estaca), on redoute un « fort impact sur cette “promotion
maudite” mais aussi sur celles des trois prochaines années », estime
Seyni M’Baye, directeur de l’innovation de l’école d’ingénieurs spécialisée
dans les transports, qui envisage déjà de faire évoluer sa formation pour la
recentrer sur des secteurs moins affectés, comme le ferroviaire. « Cette
année, dans un tel contexte d’arrêt, nous n’atteindrons pas l’habituel chiffre
de 60 % d’étudiants embauchés directement à l’issue de leur stage. »
Face aux mauvais indicateurs, les jeunes qui se préparaient à intégrer les
secteurs touchés de plein fouet ne cachent pas leur inquiétude. Beaucoup
d’entre eux ont vu leur stage, première entrée dans l’entreprise et moment
charnière du processus d’insertion, annulé ou repoussé. Comme le stage de
Mathilde*, étudiante en dernière année à l’Ecole du Louvre, dans un musée
scientifique de Montréal. « Avec un peu de chance, ce sera pour
septembre ou octobre, espère-t-elle. Mais les mobilités seront-elles
déjà possibles vers l’Amérique ? Je n’y crois pas trop. Comme j’étais
obligée de travailler tous les étés, je n’ai pas encore d’expérience pro de
longue durée dans mon domaine. Ce stage, c’était l’occasion de m’insérer dans
les musées de sciences. Aujourd’hui, je ne peux plus me projeter »,
confie l’étudiante, à qui son école a demandé de trouver un autre stage pour
valider son diplôme, alors que tous les musées sont fermés. « Pour
l’année prochaine, au lieu d’aller au casse-pipe, je m’oriente plutôt vers un
service civique afin d’acquérir de l’expérience, explique-t-elle. J’ai
aussi pensé à me former en programmation, pour avoir une porte de sortie, au
cas où. »
Comme Mathilde, certains étudiants envisagent déjà, face aux difficultés
qui se profilent, de suivre une année d’études supplémentaire. « Je
voudrais pouvoir faire ma période de mobilité à Rome en septembre pour
m’insérer plus tard, dans un marché plus favorable, explique Laura. Mais
cela impliquerait que je repaie 2 500 euros de frais de scolarité… Je
négocie. » Pour Imane, étudiante en design et en alternance dans une
entreprise de luxe, ce sera un autre master ou un stage : « Il
faut que j’élargisse mes domaines de compétences », juge-t-elle face à
la réduction brutale des offres.
A l’Estaca, la poursuite d’études sera fortement recommandée : « Formations
de 3e cycle, thèse, MBA… Hier encore à l’état de projets
envisagés, ils deviennent aujourd’hui des schémas essentiels », assure
Seyni M’Baye. C’est une stratégie « classique » en période de
crise, note Stéphane Carcillo : « Une bonne manière de mettre à
profit ces moments incertains et de sécuriser des parcours », estime
l’économiste, qui rappelle que « les grands perdants des crises, ce
sont souvent les jeunes sans diplômes ». Pour lui, les étudiants en
fin de cursus pourront profiter de la nouvelle donne, après le confinement,
notamment du côté de la maîtrise du numérique, revenu en force.
Préparer la sortie du confinement
Reste que, même pour les étudiants dont le secteur n’est pas gelé, la
question du timing pour approcher les recruteurs se pose de manière plus
délicate. « C’est censé être la période où on se donne à fond pour
postuler mais, avec ce contexte supercompliqué, on n’ose pas, on se dit que les
ressources humaines doivent être occupées sur d’autres fronts, confie
Bérénice, 22 ans, étudiante en gestion de patrimoine à l’Ecole
universitaire de management-IAE Caen. On a peur de se griller. Cela ajoute
un stress supplémentaire, à l’heure où on se jette dans un grand bain dont on
ne connaît rien. »
La période est en effet un moment de suspens, mais aussi,
paradoxalement, de positionnement pour les étudiants. D’autant que, ajoute
Jérôme Troiano, responsable carrière de l’école de commerce Edhec, « le
gros des embauches, de ce qu’on observe, est davantage différé et non
totalement annulé : de nombreux secteurs vont se réajuster pour répondre
aux besoins de la crise, et dans ce contexte les étudiants devront être aussi
agiles ».
Pour l’Apec, les semaines de confinement peuvent être pleinement exploitées
pour se préparer à cette agilité, en vue du redémarrage de l’économie. « Quand
l’économie va bien et que les perspectives d’emplois battent leur plein, poser
son CV en ligne peut suffire à se rendre visible. En période de crise, cela est
plus compromis, observe Geoffrey Mathes, consultant auprès des jeunes
diplômés. Pour saisir des opportunités, il faut être plus spécifique, mettre
son CV sur des plates-formes spécialisées, cibler plusieurs entreprises,
parfois dans des domaines plus divers que ce qu’on envisageait initialement. Ce
travail de ciblage n’est pas évident : il ne faut pas hésiter à utiliser
le confinement pour le faire. »
Frappé par la crise, Corentin, étudiant en information et communication à
Grenoble, a fait évoluer son projet durant le confinement. Il envisage toujours
de lancer son entreprise, avec, certes, plus d’appréhension, mais surtout une
autre orientation : « Je veux un sens social et éthique, une
entreprise de communication qui chercherait à mettre en avant des initiatives
durables, pour imaginer un autre avenir ».
*le prénom a été modifié
Psychologie, kinésithérapie… Pour les
étudiants, le casse-tête des stages obligatoires Par Alice Raybaud
14/04/2020 Le Monde
Dans certaines formations à des professions réglementées, la difficulté ou
l’impossibilité de réaliser les stages obligatoires en cette période de
pandémie génère une vive inquiétude chez les étudiants. Hors de question d’y déroger. Alors que, avec
le confinement, toute une série de structures d’accueil de stages étudiants
fermaient, l’Association des enseignants-chercheurs en psychologie (AEPU) s’est
empressée d’alerter les universités sur « la nécessité de respecter
strictement la règle minimale de 500 heures effectives de stage
professionnel dans la filière ». « On a eu peur que certains
établissements prennent des libertés sur la réalisation de ces stages pour les
étudiants de master 2, et que ces jeunes puissent devenir psychologues
sans cette règle minimale », explique David Clarys, président de l’AEPU et
doyen de l’UFR de sciences humaines de l’université de Poitiers.
Il encourage le décalage de ces stages à septembre par les universités et
un report de la limite d’obtention du titre à décembre, afin de permettre aux
étudiants de pleinement réaliser cette expérience professionnelle. « Il
s’agit d’une profession de santé, de soin mental, précise-t-il. On
envoie sur le marché du travail des jeunes qui vont prendre en charge des
patients en souffrance psychique. L’enjeu de maîtrise des connaissances
théoriques et pratiques est fort. » Inscrit dans l’arrêté du
19 mai 2006, ce nombre d’heures obligatoires pour obtenir le titre
d’exercice de psychologue est devenu un casse-tête pour les universités. Mais
aussi un vif sujet d’inquiétude pour les étudiants, confrontés au report ou à
l’annulation de leurs stages.
« La question n’est même plus de savoir si je vais m’insérer
facilement après le master mais si je vais pouvoir ne serait-ce qu’avoir mon
diplôme », s’alarme une étudiante de l’université Jean-Jaurès de Toulouse. Il lui
reste encore 380 heures à effectuer pour valider son année de
master 2. « On a la possibilité de repousser nos stages à
septembre mais financièrement je ne pourrai pas me permettre une absence de
revenus jusqu’à décembre… » Elle ne sait pas encore si elle pourra
avoir accès à sa bourse lors des mois où elle rattrapera ses stages, celle-ci étant
normalement attribuée par année universitaire pleine.
« Un climat d’angoisse »
Kinésithérapie, puériculture, orthophonie… Cette problématique des stages
obligatoires secoue d’autres formations préparant à des professions
réglementées. L’Association nationale des puéricultrices diplômées et des
étudiants (ANPDE) craint des dérives. « Des étudiants nous rapportent
avoir été contraints par leur université de se déployer en renfort dans des
services pour adultes, notamment en réanimation… Alors que nous sommes dans une
formation spécialisée dans la petite enfance », réprouve une membre de
la commission étudiante de l’association, elle-même en fin de formation.
« Ces stages ne réunissent parfois pas les conditions nécessaires
d’encadrement, pouvant mettre en danger l’étudiant mais aussi les patients pris
en charge. Cela ne peut pas continuer », ajoute-t-elle. Date d’obtention des diplômes,
terrain, voire contrats de stage… A l’instar d’autres organisations étudiantes
ou professionnelles concernées, l’association demande une concertation
nationale pour limiter les disparités territoriales. « On sent un
climat d’angoisse chez les étudiants, qui ont l’impression que les décisions
sont prises à la carte, selon les établissements. Il faut clarifier les
dispositions. »
« Les prochaines semaines risquent d’être
très compliquées » : confinés et sans job, la vie sur le fil des
étudiants précaires Par Alice Raybaud
Publié le 01 avril 2020 Le Monde
Alors que près de la moitié des jeunes financent leurs études grâce à des
petits boulots, nombreux sont ceux qui se retrouvent en difficultés financières
depuis le début du confinement. Des aides se déploient.
Trois kg de féculents, des conserves et des produits d’hygiène. Tel est le
contenu des paniers qui sont distribués, depuis le 18 mars, à des
centaines d’étudiants bordelais confinés dans leurs cités universitaires.
Gantés, masqués et toujours un par un, ce sont des doctorants, post-doctorants
et maîtres de conférences des universités de la métropole qui se chargent
bénévolement de la livraison : une urgence face à la situation de « détresse »
de certains jeunes, alertent-ils par le biais de leur collectif,
Solidarité : continuité alimentaire Bordeaux.
Suspension des loyers
« Avec la fermeture des restaurants universitaires, on s’est rendu
compte que certains étudiants n’avaient pas mangé depuis
quarante-huit heures, raconte un des membres du collectif. Plus que la continuité
pédagogique, l’enjeu est surtout, aujourd’hui, celui de la continuité
alimentaire. » Le collectif, qui a lancé une cagnotte
en ligne, recense à ce jour plus de 650 demandes sur le campus
et a effectué 460 livraisons de paniers, principalement dans les logements
Crous.
Au niveau national, 40 % des étudiants qui résident dans des logements
du Crous sont restés sur place, indique le Centre national des œuvres
universitaires. Ce public déjà fragile ne bénéficiera pas de la suspension des
loyers, annoncée pour tous ceux qui ont quitté les lieux pour rejoindre leur
famille, et qui ne paieront donc plus leur logement à partir du 1er avril
et jusqu’à leur retour.
« Pour la majorité des étudiants qui nous contactent, la perte d’un
job ou d’un stage est venue se rajouter à une vulnérabilité antérieure, ce qui
rend leurs dépenses courantes très compliquées », observe-t-on du côté
du collectif bordelais, qui demande la suppression des loyers Crous pour tous.
Les étudiants aux emplois souvent précaires sont en effet parmi les premiers à
pâtir du confinement. Ces pertes de revenus viennent fragiliser des budgets
déjà sur le fil, dans un contexte où près d’un étudiant sur deux travaille pour
financer ses études, et où un sur cinq vit déjà sous le seuil de pauvreté (IGAS, 2015).
« Difficile de se concentrer sur les cours »
Depuis septembre, Marion, 20 ans, étudiante en science du langage à la
Sorbonne-Nouvelle, encadrait les enfants de sa ville de Grigny (Essonne) sur
les temps périscolaires. « Mais comme je suis en “contrat volant”,
c’est-à-dire qu’on m’appelle seulement selon les besoins, je ne toucherai rien
jusqu’à la réouverture des écoles », déplore la jeune femme, qui vit
dans un appartement avec son père, au chômage, son frère et sa sœur. Ses
revenus permettaient de payer les factures et la nourriture de la famille. « Les
prochaines semaines risquent d’être très compliquées », s’inquiète
Marion, qui cherche sans relâche un autre job dans un magasin alimentaire.
Alors qu’elle s’occupe des devoirs de sa fratrie confinée et qu’elle a dû
composer quelques jours avec une coupure d’électricité, « se concentrer
sur les cours à distance est difficile », confie-t-elle.
Pour Claire (le prénom a été modifié), 21 ans, en master métiers de
l’enseignement à Colmar, c’est « le flou ». « A la
bibliothèque où je travaille, on nous a promis de faire le maximum pour que
notre rémunération soit maintenue, mais rien n’est encore sûr. L’aide aux
devoirs, qui me permettait de payer ma nourriture, c’est devenu impossible,
confie-t-elle. Il faudra diminuer les frais de courses. » Juliette
(le prénom a été modifié), étudiante en lettres modernes de 20 ans,
faisait de la garde d’enfant, sans contrat. Un « bon plan », habituellement.
« Mais dans cette situation, cela veut dire : pas de compensation, et
je n’ai pas d’économies de côté, souffle-t-elle. Heureusement, je suis
confinée chez ma famille en Bretagne, avec moins de dépenses. Je regarde pour
bosser dans une agence d’intérim, en usine, mais mes parents ne sont pas
rassurés à l’idée de me laisser sortir… »
Aides sociales d’urgence
Pour répondre à ces situations de précarité, les Crous s’organisent pour
délivrer davantage d’aides ponctuelles. Dix millions d’euros supplémentaires
ont été débloqués, mardi 31 mars, par le ministère de l’enseignement
supérieur. « Des directives nationales nous permettent de monter nos
dotations jusqu’à 560 euros, à destination des étudiants nationaux
comme internationaux, et cumulables avec les bourses », explique
Claire Maumont, responsable du service social au Crous de Poitiers, qui observe
qu’un tiers des dernières demandes émanent d’étudiants touchés par une perte
d’emploi et jusque-là inconnus de leurs services. Pour elle, « l’enjeu,
dans cette période difficile, est de garder le lien avec nos étudiants :
nos services réalisent du porte-à-porte dans les cités universitaires, avec
médecin et infirmière, pour nous assurer de la santé et de l’alimentation de
nos résidents. »
Encouragées par des directives ministérielles, certaines universités
mettent également en place des aides sociales d’urgence, à partir des fonds de
la Contribution de vie étudiante et de campus (CVEC). A l’université de
Bordeaux, les étudiants en difficulté peuvent par exemple bénéficier d’une aide
mensuelle de 200 euros. « On peut décider d’accorder une aide plus
importante au cas par cas, et de délivrer des bons alimentaires sous forme de
carte prépayée en cas d’urgence », précise Anne-Marie Tournepiche,
vice-présidente Vie de campus de l’université, qui s’attend à une
« augmentation importante des demandes d’aides financières dans les
prochains jours ». En outre, les étudiants autoentrepreneurs pourront
bénéficier de l’aide
exceptionnelle de 1 500 euros annoncée le mardi 17 mars par le
ministère de l’économie.
Bons alimentaires, aides ponctuelles des universités… Ces mesures ne seront
pas suffisantes sur le long terme pour l’Union nationale des étudiants de
France (UNEF). « Ces aides sont aléatoires selon les établissements, et
parfois compliquées à obtenir, explique Mélanie Luce, présidente du
syndicat étudiant. Quant aux aides du Crous, débloquer dix millions d’euros
apportera un nouveau souffle mais ne permettra pas de répondre à toutes les
situations si le confinement se poursuit. D’autant qu’il y aura des
répercussions sur la longueur, notamment sur les jobs d’été, qui sont
essentiels pour de nombreux étudiants. » L’UNEF, qui demande la
mobilisation de fonds étatiques plus « massifs » s’inquiète
aussi de la situation des étudiants étrangers, « pour la plupart
non éligibles aux bourses et ne pouvant accéder à toutes les aides d’urgences,
qui comptaient sur un job pour vivre et sont désormais dans une situation
catastrophique », rappelle Mélanie Luce.
« Les plus précaires au front »
C’est le cas de Noélia, étudiante péruvienne de 20 ans, en licence
d’espagnol à la Sorbonne-Nouvelle. Grâce à un job de baby-sitter, en contrat
étudiant sur une plate-forme en ligne, elle arrivait jusque-là « plus
ou moins » à gérer ses mois. Mais depuis que Noélia ne peut plus
entrer en contact avec l’enfant qu’elle gardait, la plate-forme ne lui a
facturé aucune heure.
« Je ne sais pas si j’aurai le droit au chômage partiel. J’ai demandé
mais n’ai toujours pas reçu de réponse. Je n’ai plus d’économies car j’ai tout
dépensé avec une maladie pour laquelle je suis allée à l’hôpital le mois
dernier. Heureusement, je suis hébergée par des amis, mais comment est-ce que
je vais faire pour continuer à les aider à payer le loyer et la
nourriture ? Et comment être sûre que je pourrai avoir mes papiers
français, pour lesquels on m’a demandé de justifier d’un revenu de
650 euros mensuels ? »
Pour certains étudiants, notamment ceux qui travaillent dans des grandes
surfaces, l’arrêt de leur job n’était pas une option. Lucas, 22 ans, a
accepté d’augmenter ses heures dans le magasin bio où il travaille. « Cela
me permettra de me renflouer », concède-t-il. Solène, 21 ans, a,
elle, essayé de faire valoir son droit de retrait dans son magasin de Dourdan
(Essonne). « On me l’a refusé, prétextant la mise en place de
protections sanitaires. Sinon, c’était l’abandon de poste et je ne peux pas me
le permettre, avec le prêt étudiant de 20 000 euros que je viens de
contracter. » Solène se rend donc chaque jour au magasin, avec la peur
de rapporter le virus chez elle et de contaminer ses proches. Désabusée, elle
déplore : « Ce sont les plus précaires, les petits employés, qu’on envoie au
front. »
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