En Bretagne, le combat d’une
jeune paysanne crée un buzz inattendu
Publié le 25 juin 2014
par alternatives
La réalisatrice Marion Gervais ne s’attendait pas à un tel succès : son premier
documentaire diffusé depuis fin avril 2014 sur TV Rennes et son site web
associé a été visionné plus de 340 000 fois. Anaïs Kerhoas, la jeune
agricultrice bretonne qu’elle a suivie pendant un an, y témoigne de son combat
pour trouver un terrain où cultiver ses plantes. Vivifiant
Une vraie Reine des prés
Elle est fraîche, dynamique et résolument déterminée à mener à bien son
projet… au point de crever l’écran ! Petite, les odeurs et les fleurs l’attiraient déjà.
Elle voulait être nez, puis fleuriste. C’est après son bac et suite à un voyage
de six mois en Inde qu’elle se décide à suivre une formation de deux ans pour devenir herboriste – métier qui
n’est plus reconnu officiellement mais permet d’accéder à des emplois très divers, dont celui de producteur de plantes
alimentaires et médicinales, ce que fait Anaïs.
En 2011, un producteur de tisanes de la région de Quimper où elle est en
stage la pousse à s’installer. « Je pensais que c’était plus pour les
hommes, je n’y connaissais rien » confie celle qui se décide à suivre
une formation agricole avant de suivre ce conseil.
Et c’est là qu’elle se confronte à la dure réalité des paysans
d’aujourd’hui. Le premier terrain qu’elle loue ne lui permet pas d’avoir accès à l’eau
ou à l’électricité. Ce qui l’a fait pester (« Je peux te dire, le plus
beau village de France, ils vont le garder pour les touristes ») et
l’incite à se défouler en désherbant, comme le montrent les premières minutes
du documentaire :
Plus tard, un ami lui dégote un terrain de 3300 mètres carrés sur lequel
elle peut louer une petite maison, à Sains, sur le canton de Pleine-Fougère. Elle y déménage la
cinquantaine de variétés de plantes qu’elle cultive avec amour et sans relâche,
jour après jour.
Et quand elle n’est pas dans les feuillages, c’est à la paperasse qu’elle
s’attelle, pour assurer les ventes. « La commercialisation prend un temps fou.
Je dois toucher beaucoup de clients pour vendre, et je ne peux pas
fournir les grossistes, car mon coût de production est trop élevé », explique
la jeune femme qui fait quelques marchés l’hiver, quand il n’y a plus de
récolte, et quelques marchés d’été, le jeudi soir après sa journée en
plein air.
Ne pourrait-elle pas travailler avec d’autres ? « Oh que non !
répond-elle, je n’ai pas envie de grossir, et quand on est deux on perd en liberté.
Dans mon métier, on travaille plus que la plupart des gens pour un salaire plus
bas (300 euros par mois), donc si je ne suis pas libre ça ne vaut pas le
coût » La seule aide qu’elle accepte est celle de ses parents ou de son petit
frère, pour aménager l’exploitation, mettre en sachet les plantes séchées ou
gérer les commandes.
Pour elle, le plus compliqué est de savoir par où commencer: planter, désherber,
faire les commandes, etc. La liste de choses à faire s’étend à l’infini. Sans
parler de la pire des difficultés : trouver une terre où s’installer.
« C’est la guerre, la terre : de nombreuses fermes
cessent leurs exploitations tous les jours, elles ne sont pas reprises et vont
souvent à l’agrandissement d’autres exploitations. Les agriculteurs sont payés
à l’hectare, plus de terre pour gagner plus d’argent… moi ça me permettrait de
vivre » . D’autant que la culture des plantes aromatiques et
médicinales n’est pas chose commune dans son coin de Bretagne, et qu’elle fait
souvent face à des réactions de méfiance…
A la lumière d’une jeune fille en fleur
En attendant, le succès du film lui vaut de nombreuses propositions (de
commercialisation, de terrains, d’argent, d’outils et même de mariage!) mais
Anaïs reste aussi simple que les plantes qu’elle chérit. Enracinée dans sa
Bretagne natale, elle veut rester proche de sa famille et ses amis.
« Je ne suis pas une solitaire, je ne supporte pas d’être loin des
autres » déclare-t-elle.
Face au succès du film, la boîte de production Quark Production a
lancé une collecte
sur la plateforme de finance participative Ulule qui a rempli
261 % de son objectif afin d’aider la jeune agricultrice à acquérir son propre terrain. « Je
fais ce que j’ai envie de faire et je crois que cela réveille un peu
l’instinct de vie des gens » commente la jeune femme. « Ça
demande de l’énergie d’aller au bout de ses envies, mais si c’est pour faire ce
que l’on aime, le jeu en vaut la chandelle. Il faut oublier ses peurs »
ajoute-t-elle.
Marion Gervais reconnaît que la force du documentaire tient dans la
détermination d’Anaïs : « elle vit dans le même village que moi,
elle était dans son champs, j’ai été saisie par sa manière d’être au monde, on
s’est reconnue, et j’ai tout de suite eu envie de la filmer, elle et son
combat » explique la réalisatrice pour qui son côté absolu, entier et
sans concession donne envie d’aller au plus près de soi.
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