Penser à partir de l’Actu :
les travailleurs invisibles sortent de l’ombre
Coronavirus : avec la crise
sanitaire, les travailleurs invisibles sortent de l’ombre
https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/01/avec-la-crise-les-travailleurs-invisibles-sortent-de-l-ombre_6035123_3234.html
Témoignages. Alors que l’économie française connaît un arrêt brutal en
raison de l’épidémie de Covid-19, caissières, livreurs, agents de nettoyage,
ouvriers de chantier, conducteurs de métro, auxiliaires de vie, apparaissent
enfin pour ce qu’ils sont : des rouages essentiels de la vie du pays.
Le Covid-19 les a fait surgir au grand jour. Alors que l’économie du pays
est clouée au sol, caissières, livreurs, agents de nettoyage, ouvriers de
chantier, conducteurs de métro, auxiliaires de vie, ces travailleurs invisibles
apparaissent enfin pour ce qu’ils sont : des rouages essentiels de la vie
du pays, sans lesquels point de commerces, de transports ou de services aux
personnes.
Alors qu’une partie des salariés s’installent dans le télétravail, ils et
elles n’ont pas d’autre choix que de continuer à aller travailler, parfois de
nuit, souvent en horaires décalés, toujours au risque d’attraper la maladie. Quatre
d’entre eux ont déjà perdu la vie, comme le rappelle la fédération
CGT des commerces et services dans une lettre ouverte adressée à la ministre du
travail Muriel Pénicaud, le 31 mars. Et des centaines d’autres sont
contaminés. Une situation qui a incité la CGT Commerce a déposé plainte
contre la ministre du travail devant la Cour de justice de la République,
estimant que les salariés de la distribution manquaient de protection face au
coronavirus. « Cette crise fait apparaître une forme de pénibilité que
l’on n’imaginait plus : celle d’être exposé à un risque sanitaire létal
dans le cadre de son activité professionnelle », souligne le
sociologue Julien Damon, professeur associé à Sciences Po. « Cette
exposition à des risques majeurs n’était plus tellement prise en compte dans
l’évolution de notre droit du travail, on l’avait un peu oubliée. »
Selon une note de l’OFCE publiée lundi 30 mars, 8,4 millions de
personnes en France peuvent travailler à distance, de leur domicile : la
moitié sont des cadres, les autres sont employés qualifiés ou appartiennent aux
professions intermédiaires, comme les enseignants. Et, à l’inverse,
18,8 millions de salariés, ouvriers ou employés pour l’essentiel, ne
peuvent effectuer leur travail à distance. Pour certaines personnes
interrogées, il existe une certaine fierté à continuer à aller au travail, que
ce soit pour ne pas laisser tomber les « copains » ou les personnes
dont elles s’occupent, pour contribuer à assurer le service public. Mais c’est
aussi un non-choix. Droit de retrait difficile à faire appliquer, nécessité de
faire rentrer un salaire coûte que coûte. Beaucoup y vont la boule au ventre,
avec la peur de tomber malade, de contaminer leur famille.
« On est là pour la survie de l’entreprise »: Samuel Dubelloy, 48 ans, ouvrier chez Arc à Arques (Pas-de-Calais)
« Je travaille chez Arc depuis plus de quinze ans, pour un
salaire de 1 944 euros, à raison de trente-deux à
trente-trois heures par semaine. Le mois prochain, j’aurai 49 ans. Je
n’ai jamais vu autant de gars ayant peur d’aller travailler, c’est énorme.
Depuis lundi 23 mars, toute
l’organisation du personnel a été revue [seuls 700 des 2 500
ouvriers y ont conservé leur poste sur les chaînes de production, à la suite de
l’adoption d’un plan de crise réduisant de 70 % le tonnage pour se
conformer aux mesures de distanciation sociale]. Certains sont en chômage
partiel. D’autres sont en congés maladie pour garde d’enfants de moins de
16 ans.
Je suis assistant à la fusion de l’un des cinq fours qui produit encore au
sein du site. On y fabrique du verre pour des hublots de machines à laver et
des assiettes de couleur noire, à raison de 440 tonnes par jour. Bien que
l’Audomarois soit épargné et qu’il n’y ait pas eu de malades du coronavirus
dans le coin, ni à l’usine, pour le moment, j’ai peur. Quand j’arrive, j’ai mal
au ventre. Et puis ça passe. Au fond, le boulot, il n’a pas changé. Tout le
monde est bien protégé. On est habitués à porter des masques, puisque la fusion
du verre fait appel à des produits nocifs, du nickel, de la silice, du chrome
ou de la chaux vive. Et puis je me dois d’être là au côté de mon fils, qui est
conducteur de machines, et pour la survie de l’entreprise. Arc a traversé des
situations très difficiles [en 2013, elle a frôlé le dépôt de bilan]. Cette
crise ne va pas améliorer la situation, ça c’est sûr. Mais on ne peut pas
arrêter des fours verriers. On ne peut pas tout mettre par terre. Il y a
680 personnes qui d’habitude travaillent sur ce four. Beaucoup ont plus de
50 ans. Ils retrouveraient difficilement un emploi si Arc
s’arrêtait. »
« La prime de 1 000 euros, je m’en
fous » : Olivier*, 49 ans, agent de nettoyage en gare TER (Bouches-du-Rhône)
pour le compte de Sud Service, filiale du groupe Nicollin
« La prime de 1 000 euros ? Je m’en fous pas mal. Ce
n’est pas ça qui va me rassurer sur mes conditions de travail. J’ai peur, oui,
je ne peux plus faire semblant. Nous sommes deux agents de nettoyage dans une
camionnette. Mon collègue a des allergies. Il éternue, renifle, toute la
journée. Et ni lui ni moi n’avons de masque. Pourquoi on ne me donne pas un
autre véhicule ? L’entreprise en a plein d’autres. Au moins le
temps que le pic d’épidémie passe. Je ferais ma tournée seul. Au volant, je ne
peux pas être à moins de 1,50 m de mon collègue. De 8 heures à
16 heures, toute la journée, je ramasse des mouchoirs usagés, nettoie les
trains, les toilettes. Et nous n’avons pas de gel hydroalcoolique.
Partout, sur les réseaux sociaux, le Groupe Nicollin
dit « prendre des mesures pour votre sécurité et celle de ses
agents ! » Mais nos chefs ne savent rien de ce qui se passe sur
le terrain. Dans les gares, comme les toilettes sont fermées, je ne peux plus
me laver les mains. Et comme il n’y a plus d’agents de la SNCF, les voyageurs
s’adressent à nous pour trouver leur train. Ils sont pressés. Ils parlent fort,
postillonnent. Ils se tiennent trop près de nous. On ne peut pas continuer
comme ça. »
« Je contribue à la continuité du transport
public » : Cédric Gentil, 41 ans, conducteur RATP sur la ligne A du RER
(Ile-de-France)
« Pour aller travailler, je dispose d’un équipement de protection
assez sommaire. Depuis la mi-mars, nous avons un kit personnel que nous
emportons en permanence avec nous. Il contient des lingettes désinfectantes,
des gants et deux masques chirurgicaux à utiliser uniquement si je dois porter
assistance à un voyageur malade. L’un des masques est pour moi et l’autre est
destiné à l’usager.
A chaque prise de poste, l’entreprise me fournit six petites lingettes
désinfectantes pour nettoyer mon poste de conduite. Mais cela ne suffit pas.
Alors, comme mes collègues, j’arrive avec mes propres lingettes. Cette question
du nettoyage, c’est le sujet qui suscite le plus de crainte, de colère même,
chez les conducteurs. Avec parfois l’envie d’arrêter. Sachant que, dans mon centre
d’attachement de Torcy (est de la ligne A du RER), on compte une dizaine de
personnes positives au Covid-19. Les mesures d’assainissement prises avec
retard ne sont toujours pas effectives. Par exemple, l’équipe de nettoyage en
bout de ligne, à Saint-Germain-en-Laye, est présente une fois sur deux.
A Boissy-Saint-Léger, un collègue a un jour signalé qu’une voiture avait
été souillée par les vomissures d’une personne malade. La consigne a été d’en
interdire l’accès parce qu’on n’avait pas les moyens de la nettoyer. Ce n’est
déjà pas acceptable en temps normal mais alors, durant cette période… Cela me
met d’autant plus en colère qu’au même moment Ile-de-France Mobilités [l’autorité
organisatrice des transports dans la région parisienne] communique en
disant que les trains sont désinfectés plusieurs fois par jour.
Il y a quand même des mesures qui fonctionnent, comme la nouvelle
organisation mise en place pour réduire le nombre de personnes présentes en
même temps dans les centres d’attachement. Contrairement à certains de mes
collègues, je n’ai pas d’appréhension majeure dans le fait d’aller travailler,
je suis même plutôt satisfait de contribuer à la continuité du transport
public. »
« Nous avons besoin de considération »: Cécilia*, 29 ans, auxiliaire de vie (Allier)
« Je suis auxiliaire de vie, nous sommes auxiliaires de vie, celles
qui permettent à des personnes âgées de maintenir leur vie à leur domicile, que
ce soit par souhait, par manque de moyens, de places en structure… Je vais être
encore plus directe, nous sommes celles qui empêchent certaines personnes de
crever la bouche ouverte en silence, seules, parce qu’elles n’ont personne.
C’est ce qui arriverait si toutes les aides à domicile se mettaient à faire la
grève en même temps, et encore plus en ces temps de crise sanitaire. Si nous
n’étions pas là, qui ferait les courses pour ces personnes fragiles, qui leur
préparerait leurs repas, les laverait, les écouterait, et j’en passe ?
On nous laisse sur le terrain avec pas ou peu de moyens de protection,
notre profession n’étant pas considérée comme prioritaire. Certaines ont aussi
de grandes difficultés à exercer leur droit de retrait. Et tout cela pour ne
pas avoir la moindre reconnaissance de notre gouvernement : pas un mot
gentil à notre égard ou une mesure. Je suis une maman de deux enfants en bas
âge qui, en plein confinement à cause d’une épidémie, se lève et va travailler.
J’aime mon métier et j’ai de l’affection pour ces personnes en situation de
faiblesse, mais nous avons besoin qu’on nous donne les moyens d’exercer sans
risque notre métier. Nous avons aussi besoin de considération. »
« C’est le pot de terre contre le pot de
fer »: Tatiana Campagne, 30 ans, élue SUD-Solidaires et employée logistique
chez Amazon à Lauwin-Planque (Nord)
« Au début du coronavirus, parmi les employés d’Amazon de mon site, on
a fait comme tout le monde, on a attendu de voir. Mais comme nous recevons
beaucoup de marchandise de Chine, nous avons commencé à nous inquiéter. Nous
avons évoqué l’idée d’utiliser des gants ou du gel hydroalcoolique mais ça
faisait plutôt sourire. Pourtant, si on nous avait écoutés plus tôt…
La peur s’est vraiment installée le jeudi 12 mars, quand Emmanuel
Macron a annoncé la fermeture des écoles. Ça confirmait que le virus était bien
dangereux. Avec les
autres syndicats de notre entrepôt, nous avons cherché à répondre aux
inquiétudes des salariés. Et avons commencé à dénoncer le manque de
mesures de protection sur le site. Nous avons conseillé aux salariés d’arrêter
le travail en exerçant leur droit de retrait. Mais Amazon estime la sécurité satisfaisante
et refuse de payer les employés qui font jouer ce droit. En réponse à notre
mobilisation, la direction a renforcé les mesures pour faire respecter la
distanciation sociale, en poussant les meubles des salles de repos, en décalant
les horaires de travail…
Mais, avec 2 500 salariés sur le site, c’est très difficile d’éviter
le risque de contagion. Il n’y a toujours pas de gel pour tout le monde, de
masques, de gants… Pour nous, Amazon outrepasse ses droits. C’est le pot de
terre contre le pot de fer. Donc, avec l’intersyndicale, nous allons porter les
cas de droit de retrait devant les prud’hommes. Moi, j’aurais voulu faire jouer
mon droit de retrait mais je ne me voyais pas rester à la maison, en sécurité,
et laisser tomber les employés. »
« Les
collègues sont à fleur de peau à cause de la promiscuité » : Laurence Gillet, 56 ans, responsable du rayon des produits frais,
libre-service et découpe, au Super U d’Egletons (Corrèze), et élue du
syndicat Force ouvrière
« Ce métier, je l’ai choisi. J’aime ce que je fais. Ici, on est dans
une petite ville, dans un magasin où l’on se sert les coudes. Les collègues me
disent : “Je viens car je ne suis pas un tire-au-flanc, mais j’ai peur.”
Et puis, on s’entend bien. Mais la fatigue commence à s’installer, physique, et
surtout psychologique. Les premiers jours ont été très difficiles, avec
beaucoup d’incivilités. C’était la razzia dans les rayons. Les protections pour
les hôtesses de caisse, les gants, le gel, ont été mis en place un peu tard, et
parfois dans la débrouille : une collègue a par exemple utilisé une toile
cirée mise comme un rideau de douche.
Avec la loi d’urgence sanitaire, on peut faire le remplissage du magasin la
nuit et éviter de croiser du public. Le magasin a demandé qui était volontaire
pour faire l’équipe de nuit. Depuis mardi 24 mars, au lieu de travailler
de 6 heures à midi, je commence à 18 heures jusqu’à minuit, voire
1 heure du matin.
La nuit, la fatigue est physique, mais, dans l’équipe de jour, les
collègues sont à fleur de peau à cause de la promiscuité avec les clients…
Jusque-là, personne n’a été touché, mais le jour où on aura un cas, j’ai peur
que ça dérape. D’autant qu’il y a encore des clients qui n’ont rien compris,
qui font leur sortie journalière pour acheter une bouteille de Coca ou un
paquet de sucre. D’autres qui viennent en famille avec leurs enfants qui
courent partout. Et au drive, c’est encore pire, car les gens ne supportent pas
d’attendre. »
Dans un supermarché, à Nanterre, le 27 mars. PHILIPPE LOPEZ / AFP
« J’ai pensé arrêter de travailler. Mais je n’ai
pas le choix » : Thomas De Carvalho, 30 ans, artisan taxi pour sa société, Thomas TRC
(Ile-de-France)
« J’ai perdu 90 % de mon chiffre d’affaires en mars. Il n’y a
presque pas de clients. J’ai ma clientèle privée, ça marche encore un peu, avec
deux ou trois courses par jour. Pour rassurer les clients, j’ai mis un film
alimentaire entre les sièges avant et arrière, des gants et du gel
hydroalcoolique à disposition à l’arrière, c’est gratuit. J’ai commandé du
Plexiglas pour remplacer ce rafistolage. Je nettoie ma voiture après chaque
client. Si l’un d’eux ne met pas les gants, je le refuse. Je suis là pour
servir, pas pour subir, ni mourir.
Je n’ai pas peur du coronavirus pour moi-même. Mais j’ai peur pour ma
famille, mes clients. J’ai pensé arrêter de travailler. Mais je n’ai pas le
choix. J’ai 5 000 euros de charges par mois, dont
1 500 euros pour la licence et 565 euros pour la voiture.
Vendredi 20 mars, j’ai appelé des grandes surfaces pour leur proposer mes
services pour livrer. J’attends. »
« Mon employeur a refusé mon droit de
retrait » : Antoine*, 34 ans, chef d’équipe logistique d’un sous-traitant d’EDF,
dans la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly (Loiret)
« Dans la centrale nucléaire de Dampierre-en-Burly, il aura fallu que
les salariés de sous-traitants menacent d’arrêter de travailler pour qu’EDF
prenne des précautions. Dans la zone contrôlée, on est tenu de mesurer sa
radioactivité fréquemment, notamment en glissant ses mains pendant
dix secondes dans un appareil. Mais celui-ci n’était pas désinfecté,
malgré le passage de centaines de personnes par jour. De plus, dans le bâtiment
du réacteur en cours de rechargement, les distances de sécurité n’étaient pas
respectées et les poignées de porte n’étaient désinfectées que deux fois par
jour. Mon employeur a refusé que je fasse usage de mon droit de retrait. Il l’a
considéré abusif. De mon côté, je n’avais qu’une peur : contaminer ma
famille en rentrant chez moi le soir.
Mais à partir du mardi 17 mars, nous avons commencé à nous mobiliser
en refusant d’entrer dans la zone contrôlée tant que des précautions n’étaient
pas mises en place par EDF. Autour du 23 mars, EDF a adapté le
dispositif : une distance d’un mètre est respectée dans la zone contrôlée,
et on est autorisés à porter des gants pour mesurer notre radioactivité. Les
chantiers sur les arrêts de tranche (période pendant laquelle un réacteur est
arrêté) sont aussi suspendus le week-end. Mais ces mesures arrivent trop tard.
Quelques collègues présentent des symptômes de la maladie. »
« On vit au jour le jour » : Amélie Huyn, 26 ans, assistante marketing de la société Alpina Savoie
à Chambéry (Savoie)
« Avec la fermeture des restaurants et des cantines, mon entreprise,
connue pour ses marques de pâtes, de semoule et de crozets, a vu une partie de
ses débouchés se fermer. La direction m’a proposé d’opter pour un chômage
partiel ou de prêter main-forte à la production. Je n’ai pas hésité un instant.
Depuis lundi 23 mars, après une courte période de formation, je
travaille de 8 heures à 16 heures sur les lignes de conditionnement
des crozets. C’est tout nouveau pour moi, cela me rapproche des coulisses, cela
se passe bien, on se serre les coudes. Je ne suis pas du tout inquiète. Toutes
les mesures sanitaires sont prises. Je porte masque, charlotte, blouse et
chaussures de sécurité. A la pause du midi, chacun a une place numérotée, sans
vis-à-vis et espacée. Je ne sais pas encore combien de temps durera
l’expérience. On vit au jour le jour. »
« Il faut assurer la propreté ! » : Célestin, 64 ans, agent de service (Seine-Saint-Denis)
« Je suis agent de service, je fais le nettoyage dans des immeubles et
des locaux professionnels. Je fais ce travail depuis trente-six ans. On a
des gants jetables et du gel hydroalcoolique, mais pas de masque, et cela ne
m’empêche pas d’aller travailler. Il faut quand même assurer la propreté des
lieux ! On nettoie les portes, les boîtes à lettres, les rampes
d’escalier… On est tous inquiets. On évite les contacts directs avec les
occupants, quand on croise quelqu’un, on garde nos distances. On ne se laisse
pas postillonner dessus ! Mais les gens m’encouragent, ils sont contents
de ce que je fais pour eux. Je me sens utile. »
*Ces personnes ont requis l’anonymat, leurs noms ont été changés.
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